Cowboys rose bonbon, nonnes en minijupes, gaillards torses nus bodybuildés en couches-culottes ont vibré samedi par centaines de milliers dans le centre de Rio de Janeiro avec "Bola Preta", le groupe de rue le plus ancien et le plus important du célèbre carnaval carioca.
Dès sept heures du matin, une foule gigantesque a commencé à défiler en chantant et dansant dans le déluge de décibels déversé inlassablement par les percussionnistes et chanteurs de samba de Bola Preta, juchés sur des camions sonorisés qui roulant au pas fendaient l'assistance nombreuse, en contrebas des gratte-ciel désertés du centre d'affaire de Rio.
Et lorsque sous un soleil accablant, le camion-sono marque un arrêt, que le chanteur attaque l'une des plus célèbres chansons de samba de Rio, c'est toute la foule qui se met à sauter frénétiquement sur place en hurlant à l'unisson le refrain : "E hoje o dia da alegria! E a tristeza, nem pode pensar em chegar"! ("C'est aujourd'hui le jour de l'allégresse, et la tristesse ne peut même pas songer à exister!".
"C'est un moment unique : on peut faire ce qu'on veut, s'habiller comme on veut, boire toute la bière du monde. On attend ce moment toute l'année", confie Aldemir Sena, 26 ans, en vidant un énième gobelet de bière.
Au milieu de cette orgie festive et compacte de corps ruisselants de sueur, glissant les uns contre les autres, les cariocas font sauter, temporairement, toutes les barrières sociales, raciales voire sexuelles du quotidien.
Un groupe de jeunes Noirs des favelas aux cheveux blonds peroxydés s'est joint à deux Blancs coiffés de perruques afro pour entonner la chanson officielle de Bola Preta : "Qui ne pleure pas ne tête pas! Tiens-la bien, mon c?ur, ma sucette. L'endroit chaud, c'est dans le lit ou bien à Bola Preta".
Fondé en 1918, Bola Preta est le plus ancien des quelque 340 groupes (blocos) de carnaval de rue qui vont rassembler cette semaine environ six millions de fêtards à Rio.
- "Libérer les fantasmes" -
Les "blocos" de carnaval de rue se sont considérablement développés ces dernières années. Une façon pour les cariocas de se réapproprier leur carnaval, en marge des défilés officiels des grandes écoles de samba qui rivaliseront à guichets fermés au Sambodrome les nuits de dimanche et de lundi à mardi.
"Nous sommes cariocas, nous sommes des fêtards", proclame Willian de Assis, 30 ans, torse nu épilé et sculpté par les haltères. Cette année, avec un groupe d'une dizaines de copains, il a opté pour un déguisement de cowboy sexy en peluche rose-bonbon. "Nous ne sommes pas homosexuels, mais le carnaval c'est un moment pour libérer tous les fantasmes", explique-t-il.
Les organisateurs de Bola Preta espéraient rassembler samedi plus de deux millions de personnes, alors que l'office du Tourisme de Rio tablait sur 1,3 million de participants. La police de Rio, interrogée par l'AFP, n'a pas risqué d'estimation.
Autoproclamé plus grand groupe carnavalesque de rue au monde, Bola Preta rivalise chaque année pour le record d'affluence avec le "Bloco Galo da Madrugada" de Recife (nord-est) qui a également rassemblé samedi une immense foule.
La "grande folie" païenne du carnaval va occulter jusqu'à mercredi les problèmes, les tensions qui divisent le pays, comme le scandale de corruption qui ébranle la grande compagnie pétrolière publique Petrobras et la classe politique.
"Cela fait vingt ans que je ne rate pas le rendez-vous de Bola Preta. C'est la tradition", explique Augusto, 66 ans, qui a revêtu le tee-shirt à pois blanc officiel de groupe carnavalesque. "Alors oui, on s'amuse bien, on s'anesthésie un moment", ajoute-t-il, "mais au réveil, on ne va pas pour autant oublier ni pardonner toute cette bande de voleurs".
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