Des centaines d'hommes de Boko Haram ont envahi samedi pendant quelques heures Gombe, capitale régionale dans le nord-est du Nigeria, une nouvelle humiliation pour le président Goodluk Jonathan qui appelle à l'aide les Etats-Unis avant les élections générales reportées à fin mars.
Aveu de son impuissance, le président Jonathan, candidat à sa succession, a demandé l'aide des Américains pour combattre le groupe islamiste dans un entretien vendredi au Wall Street Journal. "(Les Américains) sont nos amis. Si le Nigeria a un problème, et bien j'attends des Etats-Unis qu'ils viennent nous aider", a-t-il dit.
S'adressant le même jour à des diplomates à Abuja, il avait pourtant répété que le report des scrutins au 28 mars permettrait aux forces de sécurité de se débarrasser de Boko Haram ou, au moins, de le déloger des Etats de Borno, Yobe et Adamawa (nord-est), les plus affectés par les attaques islamistes.
Des assurances formulées auparavant par plusieurs autorités, fondant également leurs espoirs sur la coalition régionale anti-Boko Haram: le Nigeria et ses pays limitrophes - Tchad, Niger, Cameroun et Bénin - se sont accordés le 7 février pour mobiliser 8.700 hommes dans une force militaire régionale contre le groupe islamiste.
Samedi vers 09H00 locales (08H00 GMT), des centaines d'islamistes ont fait irruption dans la ville de Gombe - même nom que l'Etat - à bord d'une trentaine de pick-up et sur plusieurs motocyclettes, en tirant à l'arme lourde et en distribuant des tracts appelant les populations à ne pas aller voter, ont affirmé à l'AFP plusieurs résidents joints depuis Kano (nord).
Ils ont progressé jusqu'au coeur de la cité, sans rencontrer de résistance des forces habituellement présentes sur place. La ville a été survolée par un avion militaire, qui n'a cependant tenté aucune riposte contre les islamistes, ont affirmé les témoins.
En début d'après-midi, les islamistes se sont retirés de Gombe, sans avoir livré de combats, ont assuré des témoins.
Cette démonstration de force jusqu'au coeur d'une capitale régionale, proche du centre du pays, confirme l'expansion militaire des islamistes qui agissent dans un périmère de plus en plus étendu.
"Ils étaient tous vêtus de tenues militaires. Ils ont quitté la ville de leur propre gré" en direction "de la ville de Dakin-Kowa" à une quarantaine de km de là, a affirmé un des résidents de Gombe, Bello Jatau.
A la suite de cette incursion, le gouverneur de l'Etat de Gombe, Ibrahim Dankwambo, a décrété un couvre-feu de 24 heures sur tout le territoire relevant de son autorité, a indiqué à l'AFP son porte-parole, Ayuba Aluke.
En vertu de cette mesure, "les résidents doivent rester chez eux" jusqu'à la levée du couvre-feu, pour ne pas gêner "les forces de sécurité qui travaillent à restaurer la loi et l'ordre dans la ville", a ajouté M. Aluke.
- Appel au boycott électoral -
L'incursion samedi dans Gombe est la plus importante de Boko Haram dans cette ville de plusieurs centaines de milliers d'habitants, visée à plusieurs reprises par le groupe.
Le 2 février, Goodluck Jonathan, en campagne électorale, avait échappé à un attentat-suicide à la sortie d'un meeting dans un stade de la cité, l'explosion s'étant produite quelques minutes après son départ des lieux.
Selon des résidents, les islamistes ont aussi lancé samedi à Gombe des tracts appelant les gens à ne pas voter aux présidentielle, législatives et sénatoriales du 28 mars, qui devraient être suivies deux semaines plus tard, le 11 avril, d'élections des gouverneurs et des Assemblées des 36 Etats composant la fédération.
"Quiconque se réclame de l'islam doit s'éloigner des bureaux de vote, parce que nous allons attaquer les bureaux", est-il écrit sur un de ces tracts en langue haoussa, l'une des langues parlée au Nigeria.
Depuis six ans, cette insurrection et sa répression ont fait plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria.
L'invasion de Gombe est le dernier développement d'une série d'opérations que Boko Haram a multipliées ces derniers jours, incluant des attaques contre le Cameroun, le Niger et la Tchad, pays voisins qui organisent une mobilisation régionale contre lui.
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