Du libertinage à l'escorting, de la morale au droit, le procès de proxénétisme dit du Carlton a dû naviguer entre les écueils au cours d'une deuxième semaine de débats, où les projecteurs braqués sur Dominique Strauss-Kahn ont jeté une lumière crue sur la prostitution.
"M. Strauss-Kahn n'était pas l'objectif. C'est d'abord le procès du proxénétisme", a ainsi observé à l'issue des débats Me Emmanuel Daoud, avocat de l'association Le Mouvement du Nid, qui porte assistance aux femmes désireuses de quitter la prostitution.
Prostitution? Escorting ? Libertinage? Le procès s'apparente parfois à un cours de sémantique. On s'est bien éloigné de la prostitution "hôtelière" dont est partie l'affaire. On débarque en pleine soirées "libertines", dans le monde des "escorts" où tout semble se faire sans que rien n'ait besoin d'être dit.
- Redoutables témoignages -
Le président du tribunal Bernard Lemaire s'interroge. "On parle quand même un peu plus cru quand on organise une soirée de ce type?". Non, si l'on en croit les prévenus, lors de la deuxième semaine, concentrée sur le petit groupe formé autour de Dominique Strauss-Kahn.
Le dossier est bien ficelé (l'instruction a duré plus de deux ans), le président résume le mauvais film: les deux entrepreneurs Fabrice Paszkowski et David Roquet dans le rôle d'"organisateurs" et "payeurs", le policier ancien chef de la sûreté départementale du Nord Jean-Christophe Lagarde dans celui d'"accompagnateur" soupçonné de complaisance.
Mais DSK? Son rôle a été largement débattu et le reste encore.
Comment démontrer que l'ancien directeur du FMI savait que les jeunes femmes amenées par ses amis étaient des prostituées? Comment démontrer que DSK était "l'instigateur" des soirées?
L'ancien favori à la présidentielle de 2012 fait face à deux redoutables témoignages, ceux de Mounia et Jade, deux anciennes prostituées parties civiles.
Le président avait prévenu que le procès serait celui du droit et non de la morale; pourtant tout se joue sur une frontière ténue. Les deux femmes racontent des rapports brutaux, auxquels elles n'ont consenti que parce qu'elles étaient payées. Le public du procès, attiré par la présence d'une ancienne vedette de la politique dont la vie la plus intime se retrouve déballée, se glace.
- DSK laisse passer l'orage -
Mounia assène, de sa petite voix brisée par la vie qu'elle a menée: "Je me suis sentie comme un objet, comme une chose".
Alors les avocats de DSK s'en tiennent aux faits, s'appuyant sur une défense qui n'a pas flanché depuis le début de l'affaire: leur client participait à des soirées libertines, il venait toujours accompagné, il y avait autant d'hommes que de femmes.
Il existe une photo de lui et Jade dans son bureau de Washington. "Le directeur du FMI ne prend pas une photo avec une prostituée, c'est inconcevable", avance-t-il avec la satisfaction de celui qui parvient à la fin de son raisonnement logique.
Péniblement, au détriment d'une vie privée dont il pensait qu'elle n'influerait pas sur ses fonctions publiques ("C'était un risque que j'acceptais, en revanche je considère que le risque de fréquenter des prostituées est dix fois plus grand"), DSK laisse passer l'orage. Il est loin d'en sortir grandi, mais l'homme est déjà marqué par les scandales depuis l'affaire du Sofitel de New York.
Lors de la troisième et dernière semaine, ce sera au tour des avocats et du ministère public de prendre la parole. Les conseils de DSK, qui ont fait voeu de silence en dehors de la salle d'audience, doivent intervenir mercredi, au lendemain des réquisitions.
Le parquet n'avait pas demandé le renvoi de Dominique Strauss-Kahn devant le tribunal, s'opposant aux conclusions des juges d'instruction. Il pourrait dans la continuité demander la relaxe.
Contrairement à DSK, ménagé dans l'ensemble, les magistrats du siège et du parquet ont été nettement moins tendres envers ses amis du Nord.
"Ca s'appelle comment des libertines rémunérées?", demande le président Lemaire. "Des prostituées. Je peux l'employer (ce mot), il n'y a pas de problème", consent Fabrice Paszkowski, assez avare de sentiments au cours de ce procès.
Jean-Christophe Lagarde est particulièrement chahuté. Qualifié d'excellent policier jusque là, on lui reproche de n'avoir jamais posé de questions.
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