L'acteur français Roger Hanin, mort mercredi à Paris à l'âge de 89 ans, a été enterré vendredi à Alger, un retour à la terre natale rarissime pour un pied-noir, ces Européens ayant quitté l'Algérie à l'indépendance en 1962.
La dépouille de l'acteur, célèbre pour son rôle de commissaire dans la série télévisée "Navarro", arrivée en milieu de matinée à l'aéroport d'Alger, a été mise en terre au cimetière israélite de Saint-Eugène, dans l'intimité, près de la tombe de son père.
Une vingtaine de proches, dont sa fille et le réalisateur Alexandre Arcady, également né à Alger, étaient présents aux côtés de la ministre algérienne de la Culture Nadia Labidi, l'ambassadeur de France en Algérie Bernard Emié et le wali (préfet) d'Alger Abdelkader Zoukh.
Le cercueil a été accueilli par une haie d'honneur de la Protection civile aux portes du cimetière Saint-Eugène, devenu Bologhine après l'indépendance, du nom du fondateur de la ville d'Alger à la fin du premier millénaire.
La décision de Roger Hanin de reposer à Alger est "l'expression de son attachement à sa terre natale, comme beaucoup de juifs attachés à l'Algérie et a un très profond sentiment familial", a expliqué le président du consistoire israélite de France, Joël Mergui.
Ce retour d'un Européen, pied-noir et juif sur le sol natal est rarissime, voire sans précédent.
"Une telle demande est très rare. Il suffit de voir le carré juif de Pantin (dans le nord de Paris): il y a énormément de juifs d'Algérie", observe l'historien Benjamin Stora, né à Constantine. Selon lui, Roger Hanin "était français mais il portait l'Algérie au coeur et vivait le départ vers la France comme un exil".
Seuls quelque 300 juifs habitent encore en Algérie, la plupart dans la capitale. Leur nombre dépassait les 130.000 à la fin des années 1950 mais la plupart ont décidé d'être rapatriés en France en 1962, à la fin de la guerre d'indépendance.
- 'Plus Algérois que Parisien' -
"Plus qu'un attachement à la terre natale", la décision de Roger Hanin "exprime une identité-authenticité algéroise", car un Algérois "revient toujours dans sa ville", juge un habitant de Bab El Oued, âgé d'une cinquantaine d'années. Il souligne d'ailleurs que "plusieurs formules de l'acteur sont puisées dans sa jeunesse algéroise".
Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a rendu hommage à l'acteur, un "symbole de l'amitié entre les peuples algérien et français".
L'Algérie "s'honore de recevoir, sur sa terre, la dépouille de cette sommité de la culture moderne", a fait savoir M. Bouteflika, en saluant "la grandeur de son âme".
Le site de Saint-Eugène Bologhine est le dernier cimetière de la communauté juive d'Alger, qui a été l'une des plus importantes d'Afrique du nord.
Le quartier fait face à la mer et est dominé par la cathédrale Notre Dame d'Afrique. S'y cotoient aussi un cimetière chrétien et une ancienne synagogue que les autorités voudraient rouvrir pour faire du quartier un symbole de la coexistence entre les religions dans ce pays où les juifs forment une toute petite communauté invisible, a confié un représentant de la communauté juive à l'AFP.
Dans la vieille ville, la Casbah où est né l'acteur, la croix de David et la main de Fatma cohabitent encore sur le fronton de certaines maisons, témoignant d'une coexistence paisible entre musulmans et juifs.
Après la naissance de Roger Hanin en 1925, ses parents déménagèrent à Bab-el-Oued, qui fut le symbole de la mixite sociale pendant la colonisation.
L'acteur, qui s'était converti au catholicisme en se mariant, s'était qualifié de "100% casher sur le plan génétique". "Je suis fils de communiste et petit-fils de rabbin. Je me sens très juif".
Il y a trois ans, il était retourné rue Marengo où il était né et où vivaient beaucoup de juifs dans les années 50, se souvient un habitant de la Casbah, Abdelkader Kribi. Pour ce septuagénaire, Roger Hanin était "plus Algérois que Parisien".
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