Le président du Conseil de surveillance du Monde, Pierre Bergé, a "réprouvé" mardi les méthodes des journalistes de ce quotidien dans le scandale de fraude fiscale de HSBC Suisse, enquête sur laquelle un autre co-actionnaire du Monde, Matthieu Pigasse, avait déjà émis des réserves.
"Ce n'est pas pour ça que je leur ai permis d'acquérir leur indépendance. Ce sont des méthodes que je réprouve", a déclaré M. Bergé dans une interview sur RTL.
"Je ne veux pas comparer ce qui se passe à des époques passées mais quand même, la délation, c'est la délation. C'est jeter en pâture des noms", a dit l'homme d'affaires.
"Cette histoire me met mal à l'aise, a ajouté Pierre Bergé. Il faut proscrire évidemment la fraude fiscale et punir les fraudeurs. Est-ce le rôle d'un journal de jeter en pâture le nom des gens ? C'est du populisme. C'est fait pour flatter les pires instincts".
-'Maccarthisme fiscal'-
Plus tôt dans la journée, Matthieu Pigasse, co-actionnaire du Monde et vice-président de la banque Lazard, avait demandé lui aussi à ne pas tomber dans la "délation", tout en se disant "fier" du travail d'investigation "remarquable" réalisé par les journalistes.
"Il est vrai qu'il y a un juste équilibre à trouver entre le fait de divulguer des informations d'intérêt général, d'intérêt public" et le fait "de ne pas tomber dans une forme de maccarthisme fiscal et de délation", avait-il dit.
De son côté, le directeur du Monde, Gilles Van Kote, réagissant à cette déclaration de M. Pigasse, avait aussitôt réaffirmé l'indépendance éditoriale de la rédaction.
"On peut toujours avoir des discussions. Le débat sur le fait de donner le nom d'untel et pas d'untel est ouvert, il existe au sein de la rédaction. Mais ce sont des décisions qui sont d'ordre éditorial et qui sont donc du ressort de la direction du journal", a déclaré à l'AFP Gilles Van Kote.
Il a rappelé l'existence, au Monde, d'une charte d'éthique, selon laquelle "les actionnaires n'ont pas leur mot à dire sur les contenus éditoriaux".
Le troisième co-actionnaire du journal, Xavier Niel, fondateur de l'opérateur télécoms Free, n'avait pas réagi mardi soir.
La filiale suisse de la banque HSBC est depuis lundi au centre d'un vaste scandale, plusieurs journaux assurant qu'elle avait aidé certains de ses clients, notamment de riches industriels et des personnalités politiques, à cacher des milliards de dollars pour leur éviter de payer des impôts.
Cette enquête, baptisée SwissLeaks, a été réalisée sur la base de fichiers de la banque HSBC Suisse, dont le siège est à Genève, volés en 2007 par un ancien employé de la banque, l'informaticien franco-italien Hervé Falciani.
Le Monde a eu accès en janvier 2014 à des centaines de milliers de données à déchiffrer, contenant des informations sur plus de 106.000 clients originaires d'environ 200 pays de la filiale suisse d'HSBC.
Le quotidien a collaboré avec un réseau mondial de 150 journalistes via un "forum crypté" pour percer à jour le système d'évasion fiscale orchestré par HSBC Suisse.
Les noms des clients reproduits lundi dans la presse sont notamment ceux de vedettes du show-business, et de chefs d'entreprise ou de leurs héritiers.
Ces noms n'étaient connus jusqu'à présent que par la justice et quelques administrations fiscales, même si certains éléments avaient déjà filtré dans les médias.
En France, l'humoriste Gad Elmaleh est cité, pour avoir disposé d'un compte faiblement approvisionné à Genève, avec un peu plus de 80.000 euros entre 2006 et 2007. Selon les informations du Monde, il a régularisé sa situation auprès du fisc français.
Parmi les noms mentionnés dans les différents médias figurent notamment ceux des rois du Maroc, Mohammed VI, et de Jordanie, Abdallah II.
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