"Picasso avait une confiance absolue en moi, c'est peut-être ma discrétion", a déclaré mardi son ancien électricien Pierre Le Guennec, 75 ans, au premier jour de son procès pour le recel de 271 ?uvres du maître.
Pull blanc et jeans, visiblement affaibli par la maladie et s'exprimant maladroitement, le prévenu soutient qu'elles lui ont été données dans les années 70 par Jacqueline, l'épouse du peintre. Il les a conservées pendant près de quatre décennies dans son garage. "Monsieur et madame m'appelaient +petit cousin+", a-t-il confié, à la barre du tribunal correctionnel de Grasse.
Mais pour Jean-Jacques Neuer, avocat de Claude Picasso (fils du peintre et en charge de l'authentification des ?uvres), "on a affaire à un blanchiment international d??uvres d'art". "C'est à lui (Pierre Le Guennec) qu'on a confié ces ?uvres volées parce qu'il avait eu des relations avec Picasso", a-t-il accusé, en dévoilant une hypothèse non versée au dossier. "C'est de la foutaise", a commenté, outré, lors d'une suspension d'audience l'avocat du prévenu, Me Charles-Étienne Gudin.
Me Neuer bombarde le retraité de questions sur un inventaire et une description très détaillée de chaque ?uvre, que M. Le Guennec aurait dressées avec l'aide d'un beau-frère galeriste.
Le Guennec identifie par exemple une petite étude abstraite au crayon comme ayant des similitudes avec une peinture de 1915 d'un Arlequin exposé au Musée d'art moderne de New York (Moma), met en exergue Me Neuer.
M. Le Guennec répond confusément et ne semble pas connaître l'existence du Moma, il a des trous de mémoire mais rétorque qu'il a fait la liste lui-même.
- 271 ?uvres dont des pépites -
L'enjeu financier et patrimonial est de taille: la boîte conservée dans le garage contenait, en parfait état de conservation, 180 ?uvres et un carnet de 91 dessins. Mardi matin, toutes les ?uvres -dont de somptueux dessins stylisées de femmes et de chevaux- ont été projetées sur un écran du tribunal.
Les ?uvres non signées, qui s'échelonnent entre 1900 et 1932, sont très disparates, mais comprennent des pépites, comme neuf "collages cubistes" très rares, estiment les héritiers.
L'électricien s'était installé en 1970 sur la Côte d'Azur pour se mettre à son compte et rejoindre sa famille. Le mari d'une cousine, Maurice Bresnu dit "Nounours", chauffeur de Picasso, semblerait l'avoir introduit auprès du maître.
Dans le cadre de l'instruction, un réquisitoire supplétif avait étendu l'affaire à Bresnu, décédé, qui a aussi fait l'objet de dons de l'artiste, jugés très suspects par les avocats de la famille Picasso.
Pierre Le Guennec est appelé pour réparer un four, puis il installe un système de sécurité au mas Notre-Dame-de-Vie à Mougins (Alpes-Maritimes), dernière demeure de l'artiste, décédé en 1973.
En juillet 1971, Picasso lui dédicace un catalogue d'exposition, tout comme à Nounours.
Quant à la boîte de 271 ?uvres, elle lui est donnée très informellement un jour par Jacqueline Picasso, dans un couloir du mas. "Elle m'a dit +ça c'est pour vous+. Elle me tend un carton", se souvient Pierre Le Guennec, qui lui dit "merci madame".
En rentrant chez lui, à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), il regarde le contenu avec son épouse Danielle, aperçoit "des dessins, des esquisses, du papier froissé", le tout "en vrac". "On n'a pas tout feuilleté", précise-t-il.
"Vous n'êtes pas curieux?" lui demande le président du tribunal Jean-Christophe Bruyère. "Ben non", rétorque-t-il.
"Je l'ai remisé dans mon petit bureau, qui est au fond du garage." Il affirme avoir rouvert le carton seulement en 2009 car il avait subi une intervention médicale et voulait mettre de l'ordre dans ses affaires pour ses enfants.
Le cadeau secret avait fait sensation lorsqu'il s'était rendu à Paris à l'automne 2010 auprès de la Picasso Administration pour obtenir des certificats d'authentification.
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