"Picasso avait une confiance absolue en moi, c'est peut-être ma discrétion", a déclaré mardi son ancien électricien Pierre Le Guennec, 75 ans, au premier jour de son procès pour le recel de 271 ?uvres du maître.
"Monsieur et madame m'appelaient +petit cousin+", a confié le prévenu, à la barre du tribunal correctionnel de Grasse, en opposition au "gros cousin", Maurice Bresnu, l'ancien chauffeur du peintre.
L'électricien s'était installé sur la Côte d'Azur près de sa famille, notamment de sa cousine dont le mari, Maurice Bresnu dit "Nounours", semblerait avoir introduit l'électricien auprès des Picasso.
Il est appelé la première fois pour réparer un four, puis on lui demande d'installer un système de sécurité au mas Notre-Dame-de-Vie à Mougins (Alpes-Maritimes), dernière demeure de l'artiste, décédé en 1973.
"De temps à autre, il me faisait appeler pour me demander ce que je faisais, où en étaient les travaux", se souvient-il. En juillet 1971, Picasso lui dédicace un catalogue d'exposition dans leur jardin, tout comme à Nounours.
Quant à la boîte de 271 ?uvres, elle lui est donnée très informellement un jour par Jacqueline, l'épouse du peintre, dans un couloir du mas. "Elle m'a dit +ça c'est pour vous+. Elle me tend un carton", se souvient Pierre Le Guennec, qui lui dit "merci madame". "Elle m'a dit +à demain+".
En rentrant chez lui, à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), il regarde le contenu avec son épouse, aperçoit "des dessins, des esquisses, du papier froissé", le tout "en vrac". "On n'a pas tout feuilleté", précise-t-il.
"Vous n'êtes pas curieux?" lui demande le président du tribunal. "Ben non", rétorque-t-il.
"Qu'est-ce que vous en pensez alors?" "Pas grand chose. Des ?uvres j'ai pas ça à l'esprit, c'est des essais, des morceaux déchirés, ça m'interpelle pas. C'est pas comme si je voyais une toile, c'est pas pareil, pas la même réaction", explique l'ex-électricien.
"Je l'ai remisé dans mon petit bureau, qui est au fond du garage, sur une étagère", précise-t-il. Il affirme avoir rouvert le carton seulement en 2009 près de quatre décennies plus tard, car il était malade et voulait mettre de l'ordre dans ses affaires pour ses enfants.
- Enjeu financier de taille -
La première journée du procès de trois jours est consacrée à l'interrogatoire de l'ex-électricien et de son épouse Danielle, 71 ans. Puis viendra l'audition des parties civiles, soit trois héritiers présents de Pablo Picasso qui ont la certitude que les ?uvres ont été volées.
L'enjeu financier et patrimonial est de taille: une boîte comprenant, en parfait état de conservation, 180 ?uvres et un carnet de 91 dessins. Mardi matin, toutes les ?uvres ont été projetées sur un écran du tribunal.
Les ?uvres non signées, qui s'échelonnent entre 1900 et 1932, sont très disparates mais comprennent des pépites, comme 9 "collages cubistes" très rares, précise Me Jean-Jacques Neuer, avocat de Claude Picasso, fils de l'artiste en charge de l'authentification des ?uvres.
Le cadeau secret avait fait sensation lorsque M. Le Guennec s'était rendu à Paris à l'automne 2010 auprès de la Picasso Administration pour obtenir des certificats d'authentification.
Les héritiers avaient saisi l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels et avaient porté plainte le 23 septembre. Le 5 octobre le couple avait été placé en garde à vue puis mis en examen en mai 2011 pour "recel de biens provenant d'un vol".
Dans le cadre de l'instruction du dossier un réquisitoire supplétif avait étendu l'affaire à l'ancien chauffeur, Maurice Bresnu, qui aurait aussi fait l'objet de dons.
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