Un ancien électricien qui avait effectué des travaux chez Picasso dans sa villa de Mougins et qui a conservé dans son garage pendant 37 ans 271 oeuvres du maître, est jugé à partir de mardi pour recel, ainsi que son épouse, devant le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes).
A la suite d'une plainte des héritiers du peintre, Pierre Le Guennec et son épouse Danielle, de modestes retraités septuagénaires, devront expliquer comment ils sont entrés en possession d'une telle quantité d'oeuvres. Ils ont été mis en examen en mai 2011 pour "recel de biens provenant d'un vol".
Le trésor hétéroclite comprend notamment six petites huiles sur toile et 28 lithographies (dont 14 fois la même), des collages cubistes, des carnets de dessin.
L'avocat du couple, Me Charles-Etienne Gudin, distingue seulement une dizaine d'oeuvres de valeur, le reste étant "très médiocre". D'ailleurs "Picasso n'a jamais cherché à les vendre !", dit-il.
L'ancien électricien affirme que les oeuvres lui ont été données par Picasso et son épouse Jacqueline, lorsqu'il effectuait des travaux dans son mas de Mougins, près de Grasse, dernière demeure de l'artiste, décédé en 1973.
"Il m'invitait souvent à prendre un gâteau, un café, on parlait de tout et de rien avec le maître", avait raconté M. Le Guennec à l'AFP en 2010. "Un soir que je quittais mon travail, Madame m'a tendu un petit paquet en disant +C'est pour vous+".
"Quand je suis revenu à la maison, j'ai vu des esquisses, des dessins au crayon, je n'y connaissais rien Si Madame m'avait donné une peinture, là oui ça m'aurait fait drôle !", a-t-il expliqué.
Face à eux, Claude Picasso, fils du peintre et administrateur de la Picasso Administration qui authentifie ses oeuvres et gère les droits, ainsi que six autres héritiers de Picasso et ses quatre muses, parties civiles.
Les avocats des héritiers n'ont pas besoin de désigner un voleur mais devront démontrer par un faisceau d'indices que le couple "connaissait l'origine frauduleuse des oeuvres", explique une magistrate.
- 'Pas facile de voler' chez Picasso -
Le cadeau secret avait fait sensation lorsque M. Le Guennec s'était rendu à Paris à l'automne 2010 auprès de la Picasso Administration pour obtenir des certificats d'authentification.
"Ils ne se souviennent de rien, s'ils ont reçu ce don en 1970, 1971, 1972 () Si on vous donne 271 Picasso, vous vous en souvenez!", s'exclame Jean-Jacques Neuer, avocat de Claude Picasso.
Les oeuvres s'échelonnent entre 1900 et 1932. "Il faudrait imaginer que Picasso les a gardées pendant 70 ans et a une volonté tout à coup de les donner", note-t-il.
Elles ne sont pas signées. Or, "Picasso signait au dernier moment, pour les donner ou les vendre", rappelle cet administrateur de la succession de l'artiste.
L'ancien électricien dispose seulement d'une brochure d'exposition dédicacée en 1971. "Cela montre leur niveau de proximité!", assène Me Neuer.
"Quand vous faites un cadeau, vous allez choisir une chose précise qui correspond à la personne. Picasso offre ici des oeuvres qui n'ont rien à voir les unes avec les autres. Notamment des collages cubistes extrêmement précieux, 10% de sa production ! Mais aussi deux carnets de dessins, des instruments de travail dont il ne se serait pas dessaisi", détaille-t-il.
"Le problème n'est pas de savoir si Picasso était généreux ou pas", argue l'avocat. "Picasso n'était pas quelqu'un d'inconscient de ses oeuvres, il ne donnait pas n'importe comment".
Pour Me Gudin, "ce n'était pas facile de voler dans les ateliers de Picasso qui avait une mémoire extraordinaire". Et de décrire sa dernière demeure comme "une forteresse" surveillée par deux gardiens.
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