Depuis deux ans, Marseille a choisi de s'attaquer à la délinquance et au trafic de drogue dans les cités en combinant opérations de police et volet social, une "approche globale" dont beaucoup d'acteurs saluent le caractère innovant tout en soulignant ses limites.
Face à la violence endémique et à la multiplication des règlements de compte, en septembre 2012 le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait annoncé la création d'une préfecture de police pour les Bouches-du-Rhône et un renfort de 205 policiers et gendarmes pour mettre en oeuvre une "approche globale nouvelle où les services de la police nationale et de la gendarmerie, les services fiscaux, les services des douanes, mais aussi les services du ministère de la justice (allaient) travailler ensemble pour changer la donne".
A ce volet strictement répressif de la méthode s'est ajouté un volet social, à travers un pacte de sécurité et de cohésion sociale lancé en novembre 2013, dont le budget annuel s'élève à 37 millions d'euros, et à propos duquel le successeur de Jean-Marc Ayrault à Matignon, Manuel Valls, doit faire un point d'étape lors d'une visite lundi et mardi à Marseille.
Depuis 2012, "les 40 cités de la ville ont été +traitées+", explique à l'AFP le patron des CRS de la région, Bernard Reymond-Guyamier. A chaque fois, les forces de l'ordre font des descentes en force, multiplient contrôles et arrestations et restent quinze jours à un mois sur place. Dans un deuxième temps, des opérations de police dites de "service après-vente", plus courtes, peuvent encore avoir lieu.
A la mi-janvier, saluant une nouvelle baisse de la délinquance dans la ville, le procureur de Marseille Brice Robin a établi le bilan "significatif" de cette "approche globale": 4.699 auteurs de délits divers interpellés, 188.187 personnes contrôlées, 86.051 véhicules contrôlés et 110 véhicules volés découverts.
Et pourtant, ce bilan est "mitigé", pour le sociologue Laurent Mucchielli, chercheur au CNRS et directeur de l'Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux, qui a réalisé une enquête sur cette méthode dans deux cités marseillaises: "ici comme ailleurs, les réseaux démantelés un jour se reconstituent assez rapidement".
-"Mauvaise herbe"-
Même si elle se teinte d'une coloration politique, la critique est identique chez Caroline Pozmentier, adjointe UMP déléguée à la sécurité à la mairie de Marseille: "La limite, c?est la loi pénale de Mme Taubira, la politique pénitentiaire et les peines en milieu ouvert, qui constituent de mauvais signaux".
"Après, il faut savoir quel était l'objectif: si c'était de gêner les trafiquants, on les a gênés; si c'était d'éradiquer les trafics, on a beaucoup plus de mal", reconnaît aussi David-Olivier Reverdy, un des responsables du syndicat de policiers Alliance dans la région, qui salue toutefois une méthode "novatrice".
Dans son bilan, M. Robin a rappelé que depuis sa mise en oeuvre, la méthode avait permis de retirer des cités 688 épaves de voitures, un symbole de cette volonté de reconquérir aussi les cités en améliorant le cadre de vie et en y faisant revenir acteurs sociaux, bailleurs et associations.
"La préfecture nous a demandé d'intervenir dans ces cités, en créant une dynamique d'occupation du territoire", corrobore à l'AFP Stéphane François, directeur général de l'Association départementale pour le développement des actions de prévention (ADDAP). "On a fait bouger les lignes, même si c'est une tâche immense: cela fait 15 ans qu'on a laissé s'installer les réseaux de trafics de drogue, la mauvaise herbe a poussé".
L'ADDAP a par exemple embauché une douzaine de personnes dans cinq zones de sécurité prioritaire pour des travaux de rénovation ou d'entretien des espaces verts: "Ils font oeuvre d'utilité professionnelle et sociale. C'est rassurant, par exemple, pour une mamie du coin de voir tous les jours la même personne. Le climat s'est décrispé", affirme M. François.
"On a donné des moyens supplémentaires pour occuper ces zones. Il ne faut pas être angélique et dire que tout va bien. Mais tout va mieux", conclut-il.
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