Pour la première fois, la justice a reconnu vendredi à d'anciens mineurs lorrains un "préjudice d'anxiété" face au risque de développer de graves maladies professionnelles, comme pour les travailleurs de l'amiante: une décision "historique" qui pourrait bientôt concerner 850 demandes similaires.
A Longwy (Meurthe-et-Moselle), quelque 70 mineurs retraités, venus pour l'occasion, ont accueilli la décision du conseil de prud'hommes par une salve d'applaudissements.
"C'est un moment historique. C'est la première fois que des mineurs font condamner les anciens exploitants, je devrais dire exploiteurs, pour les avoir exposés à des produits cancérogènes", s'est félicité François Dosso, responsable de la CFDT mineurs, la voix nouée par l'émotion.
"C'est une grande victoire pour la corporation minière, mais aussi pour l'ensemble des salariés qui sont exposés à des produits cancérogènes par la faute de l'employeur", a-t-il ajouté.
Les Prud'hommes ont condamné le liquidateur de la société Lormines, l'ancien exploitant des mines de fer lorraines, aujourd'hui fermées, à verser à chacun des dix demandeurs 4.500 euros de dommages et intérêts "en réparation du préjudice d'anxiété subi du fait de l'exposition à des produits nocifs".
Cependant, les requérants réclamaient 30.000 euros d'indemnités chacun. D'où la déception perceptible chez certains après le jugement, comme Edmond Kicinski, 83 ans, qui relevait que "4.500 euros pour 33 ans de mine, c'est pas grand-chose".
Les anciens mineurs ont dénoncé avoir été exposés, durant des décennies, à un "cocktail" de poisons: de l'amiante mais aussi des solvants, des hydrocarbures ou encore des poussières minérales hautement toxiques, qui plus est dans un milieu souterrain confiné.
En 2010, dans un arrêt fondateur, la Cour de cassation avait accordé cette reconnaissance à la catégorie spécifique des travailleurs de l'amiante.
"C'est une grande satisfaction que, dès la première audience de jugement, les prud'hommes tranchent le principe de la reconnaissance du préjudice d'anxiété au-delà des victimes de l'amiante", a commenté Me Jean-Paul Teissonnière, l'avocat des anciens mineurs.
- 'On ne nous aura pas à l'usure' -
Cette décision constitue aussi une "indication encourageante" pour l'issue de 850 procédures similaires lancées par d'anciens mineurs à Forbach (Moselle), a estimé l'avocat.
A Forbach, d'anciennes "gueules noires" des mines de charbon lorraines ont entamé un bras de fer avec leur ancien employeur, Charbonnages de France, entreprise publique aujourd'hui dissoute et représentée par un liquidateur, comme Lormines.
Un premier jugement à Forbach, portant sur une cinquantaine de dossiers, n'est pas attendu, au mieux, avant mai.
Depuis le début des procédures en 2013, neuf demandeurs sont décédés et plusieurs dizaines d'entre eux ont contracté des maladies respiratoires liées à leur ancien travail à la mine, selon M. Dosso.
Par ailleurs, les décisions des Prud'hommes étant susceptibles d'appel, les anciens mineurs s'attendent, comme avant, à un combat "encore long et difficile", où il leur faudra "certainement convaincre la cour d'appel et la Cour de cassation", a précisé le syndicat des mineurs CFDT dans un communiqué.
Mais comme jadis à la mine, où il fallait des années de travaux préparatoires pour exploiter le minerai, "nous avons l'habitude du travail dans la durée" et "Lormines ne nous aura pas à l'usure", a prévenu le syndicat.
L'avocat du liquidateur de Lormines, sollicité par l'AFP, n'a pas souhaité s'exprimer dans l'immédiat.
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