Bis repetita: un an après le douloureux sauvetage du transporteur Mory Ducros, son repreneur MoryGlobal se retrouve au pied du mur et a demandé vendredi sa mise en redressement judiciaire, plongeant 2.200 salariés dans l'incertitude.
L'entreprise devait se déclarer dans l'après-midi en état de cessation de paiement (faillite) au tribunal de commerce de Bobigny et demander du même coup son placement en redressement judiciaire.
L'annonce a été faite dans la matinée en comité d'entreprise, selon Eric Martin, représentant CFTC et secrétaire adjoint du CE. Le tribunal examinera mardi le dossier.
Dans un communiqué, le fonds Arcole Industries, propriétaire de MoryGlobal et ex-actionnaire majoritaire de Mory Ducros, "prend acte" de cette "demande de placement de MoryGlobal sous la protection du tribunal de commerce de Bobigny".
Mis en redressement en novembre 2013, Mory Ducros avait été repris en février 2014 par son actionnaire, au prix de 2.800 licenciements et de très fortes tensions internes.
De nombreuses agences s'étaient mises en grève et Arcole, engagé dans un bras de fer avec les syndicats, avait menacé de jeter l'éponge à plusieurs reprises. La nouvelle société, MoryGlobal, avait finalement conservé 50 agences sur 85 et 2.200 salariés.
Elle "nous a annoncé ce matin tout simplement que l'actionnaire ne souhaitait plus mettre un euro dans l'entreprise et qu'aujourd'hui on était obligé de demander le redressement judiciaire", a expliqué M. Martin, pour qui "le seul et unique coupable de cette catastrophe c'est Arcole". Pour les salariés, "c'est terrible".
Mardi prochain, le tribunal aura le choix entre mettre en redressement MoryGlobal ou son éventuelle liquidation directe, comme fin 2013. De source proche du dossier, un redressement est l'hypothèse la plus probable.
- Faillite 'organisée' -
Les conditions particulières de ce sauvetage, où l'ancien actionnaire est aussi celui du repreneur, ont conduit un collectif de 800 salariés à intenter une action en justice. Ils accusent Arcole d'avoir "organisé" la faillite pour licencier à moindre coût et en bénéficiant de l'aide de l'Etat (qui a prêté 17,5 millions d'euros à Arcole). Une première audience (formelle) est prévue jeudi prochain au tribunal de grande instance de Bobigny.
Le plan social lui-même a fait l'objet de recours. Les syndicats ont obtenu l'annulation du feu vert accordé par l'administration au motif que l'entreprise n'a pas correctement appliqué les critères d'ordre de licenciement. L'affaire est au conseil d'Etat.
Sans annuler le plan, cette décision a ouvert des droits à des dommages-intérêts pour les salariés devant les Prud'hommes. Avec à la clef une addition potentiellement très salée pour le régime patronal de garantie de paiement des salaires et indemnités (AGS): a minima 42 millions d'euros.
Aujourd'hui encore, Arcole industries reproche aux délégués syndicaux CFDT de n'avoir finalement pas signé d'accord sur les mesures prévues au plan social.
Dans son communiqué vendredi, l'actionnaire rappelle cet épisode et affirme que l'absence d'accord a "eu pour conséquence la réintégration de plus de 200 salariés protégés et créé un climat d?incertitude sur la reprise, avec un impact financier colossal pour MoryGlobal".
L'actionnaire reporte également la responsabilité de la situation au veto mis la semaine dernière par le tribunal de commerce de Pontoise à une cession d'actifs immobiliers (d'un montant prévu de 25 millions d'euros) qui "aurait permis à MoryGlobal de couvrir les coûts exceptionnels de reprise" et "conforter son plan de financement".
Semblant déjà comme enterrer MoryGlobal, Arcole "déplore que les conditions d?une poursuite d?exploitation n?aient pu être réunies".
Selon le Figaro, MoryGlobal a accusé en 2014 une perte nette de 40 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 330 millions.
Alors que le quotidien évoquait il y a quinze jours déjà l'imminence d'une faillite, le transporteur affirmait viser un "retour à l'équilibre" en 2016 et assurait continuer "de déployer son nouveau modèle avec sérénité et ténacité".
La faillite de Mory Ducros, ex-numéro un français de la messagerie, a été l'une des plus lourdes socialement depuis celle de Moulinex en 2001 (3.000 emplois supprimés en Basse-Normandie).
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