Les victimes ont vu jeudi s'éloigner un peu plus la perspective d'un grand procès de l'amiante, après le non-lieu prononcé jeudi au bénéfice d'un ancien patron de l'usine Amisol, un des dossiers emblématiques de ce drame sanitaire.
Décrite comme une "usine-cercueil" dont l'air était "saturé de fibres mortelles" par l'Andeva, l'association des victimes, cette petite manufacture d'amiante de Clermont-Ferrand, ouverte en 1909, avait fermé ses portes en 1974.
Son ultime patron, Claude Chopin, alors âgé de 26 ans, l'avait dirigée six mois, quand son père depuis décédé lui en avait confié la direction.
C'est à ce titre qu'il avait été mis en examen en 1999 pour homicides et blessures volontaires après des investigations lancées en 1997, année de l'interdiction de l'amiante.
Une enquête déclenchée par une plainte de salariés qui ont développé des maladies liées à leur exposition à l'amiante qui fut très utilisée dans le bâtiment, dont le caractère cancérogène est connu depuis les années 1950.
En juin, l'Andeva avait jugé que les "conditions de travail effroyables" dans l'usine "ont semé et sèment encore aujourd'hui la maladie, la souffrance et la mort parmi le personnel".
Selon les autorités sanitaires, l'amiante pourrait provoquer jusqu'à 100.000 décès d'ici à 2025. Selon l'Andeva, 3.000 personnes meurent chaque année et les autorités sanitaires imputent à l'amiante 10 à 20% des cancers du poumon.
- Faute de combattants -
Si au nom des salariés, Me Jean-Paul Teissonnière entend se pourvoir en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, son confrère Michel Ledoux, avocat de l'Andeva, a accueilli avec dépit l'arrêt de non-lieu prononcé par la cour d'appel de Paris: "Le combat risque de cesser faute de combattants", a-t-il ajouté, "inquiet pour les autres dossiers".
Cet échec n'est pas le premier pour les victimes de l'amiante. Le "grand procès" dont rêvait l'ancienne juge d'instruction du pole santé du tribunal de grande instance de Paris, Marie-Odile Bertella-Geffroy, est bien loin.
Sa stratégie de ne pas se cantonner aux responsabilités locales, mais à chercher des responsabilités nationales s'est soldée par un échec. En juillet, la cour d'appel de Paris avait annulé neuf mises en examen dans le dossier de la contamination du campus de Jussieu.
Une décision qui intervenait juste après d'autres annulations similaires, dont celle de Martine Aubry, dans un autre dossier symbolique, celui de l'usine de Condé-sur-Noireau dans le Calvados. La Cour de cassation doit se pencher le 19 mars sur ces annulations de mise en examen dans les dossiers Jussieu et Condé-sur-Noireau, ainsi que dans celui des chantiers navals de la Normed.
L'affaire Eternit reste à l'instruction. Mais le principal mis en examen, Joseph Cuvelier, un des responsables de la société, est décédé l'été dernier. "Cela illustre ce que l'on dit: le temps passe, les acteurs disparaissent", a commenté Me Ledoux. Des fonctionnaires ont toutefois été entendus et placés sous le statut de témoin assisté, selon l'avocat qui juge que "c'est le dossier le plus mûr pour un possible renvoi en correctionnelle" qu'il espère pour la "fin 2016".
Dans le dossier d'Amisol, l'avocat de Claude Chopin, Me Vincent Courcelle-Labrousse, estimait que le "délai raisonnable" de l'instruction n'avait pas été respecté: l'enquête est désormais vieille de près de 18 ans pour des faits qui remontent à plus de quatre décennies.
Mais, selon lui, comme elle l'avait fait en 2013 avant d'être contredite par la Cour de cassation, la cour d'appel a aussi estimé qu'"aucune des infractions pour lesquelles" Claude Chopin "était mis en examen ne pouvait lui être imputée". A ses yeux, un pourvoi, s'il était effectivement déposé, s'apparenterait à de l'"acharnement" contre son client.
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