La tournée européenne du ministre grec des Finances Yanis Varoufakis qui s'achevait jeudi à Berlin n'a rien fait pour éclaircir l'horizon d'une Grèce aux abois, son entrevue avec son homologue Wolfgang Schäuble ayant surtout mis en lumière "désaccords" et "scepticisme".
"Nous ne sommes pas encore vraiment d'accord sur ce que nous devons faire maintenant", a reconnu M. Schäuble lors d'une conférence de presse commune. Il pensait être tombé d'accord avec M. Varoufakis "sur le fait que nous sommes pas d'accord", mais même cela serait aller trop loin, l'a corrigé son visiteur grec.
"De mon point de vue, nous ne sommes même pas tombés d'accord sur le fait de ne pas être d'accord", a-t-il dit, "nous sommes d'accord pour commencer des délibérations, en tant que partenaires". Autant dire pas grand chose, alors que la situation financière d'Athènes paraît de plus en plus délicate, au lendemain d'une décision de la BCE qui coupe une partie de leurs vivres aux banques grecques.
M. Schäuble, vétéran de la politique européenne et ardent défenseur de l'orthodoxie budgétaire, n'a pas fait mystère non plus de son "scepticisme" à l'égard des mesures déjà annoncées par Athènes - arrêt des privatisations, rembauche de fonctionnaires - qui à ses yeux "ne vont pas forcément dans la bonne direction".
- Pas de chantage -
M. Varoufakis était auparavant passé par Francfort, Rome, Paris et Londres tandis que son Premier ministre Alexis Tsipras, sorti vainqueur des urnes fin janvier, visitait lui aussi Rome, Bruxelles et Paris. Objectif: convaincre les Européens de renégocier la dette de 300 milliards d'euros - dont près de 200 milliards détenus par les Européens - et de laisser Athènes en finir avec la rigueur qui bride la croissance.
En fin de parcours, le bilan n'est pas très convaincant. Une décote de la dette grecque n'est "pas d'actualité", a asséné M. Schäuble.
Quant au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, il n'a pas ouvert la bouche à l'issue de sa rencontre avec M. Tsipras mercredi, tandis que le président français François Hollande a insisté tout autant sur "la solidarité" que sur "le respect des engagements pris". L'Italien Matteo Renzi s'est montré chaleureux envers M. Tsipras, mais sans prendre d'engagement.
M. Schäuble a enjoint Athènes de continuer à négocier avec la Troïka, représentante tripartite (BCE, UE, FMI) des créanciers de la Grèce. Athènes, très remonté contre cette instance, ne veut plus y avoir affaire, mais le FMI a affirmé n'avoir eu à ce stade "aucune discussion" avec la Grèce.
Les Européens devraient rentrer dans le vif du sujet la semaine prochaine, avec un sommet européen à Bruxelles le 12 février. A Athènes, une source gouvernementale a assuré que la Grèce "ne souhaitait exercer de chantage sur personne mais n'a pas l'intention d'accepter elle-même un chantage".
- Geste politique -
La tâche de M. Varoufakis face à son collègue allemand était d'autant plus difficile que la BCE lui a tiré le tapis sous les pieds mercredi soir. L'institution monétaire a décidé de couper l'accès des banques grecques à l'un de leurs canaux de financement, dont elles pouvaient encore bénéficier grâce à un régime de faveur.
Athènes espérait que la BCE allait assurer pendant les mois à venir le financement des banques, lui laissant les coudées franches le temps de négocier avec ses partenaires. A Berlin M. Varoufakis a répété que son pays avait besoin d'un "pont" financier jusqu'à fin mai, pour avoir "un peu d'air" pendant les négociations.
Mais la BCE a choisi de renvoyer "sur les Etats, sur les gouvernements, les responsabilités et c'est bien légitime", a estimé à Paris M. Hollande.
L'institution a envoyé un geste politique fort mais ne laisse pas le système bancaire grec à sec. Selon une source bancaire elle est prête à accorder, par le biais de la banque de Grèce, jusqu'à 60 milliards d'euros de prêts d'urgence aux banques grecques, dans le cadre d'un mécanisme existant appelé ELA, qui a déjà maintenu à flots pendant plusieurs mois les établissements hellènes en 2012.
M. Varoufakis a assuré à Berlin que son gouvernement faisait "tout ce qui était en (son) pouvoir pour éviter le défaut de paiement" du pays, mais la Bourse d'Athènes s'enfonçait de 3,68% à 14h46 GMT. Les autres places boursières, inquiètes aussi, limitaient toutefois leurs replis, car "la Grèce () va d'abord s'approcher du précipice, avant qu'une issue favorable émerge éventuellement", estiment les analystes d'Aurel BGC.
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