La BCE a mis le couteau sous la gorge d'Athènes mercredi en privant les banques grecques d'un important canal de financement, forçant les Européens à s'entendre sous peine de crise de financement de l'Etat grec.
L'institution monétaire a annoncé dans la soirée qu'elle suspendait un régime de faveur accordé jusqu'ici aux banques grecques, qui leur permettait d'emprunter de l'argent auprès de la BCE avec des garanties inférieures à ce qu'elle exige habituellement.
Le communiqué de la BCE a fait l'effet d'une bombe sur les marchés financiers, Wall Street virant au rouge et l'euro tombant nettement à son annonce.
Dans la journée encore le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis était venu en personne à Francfort demander à Mario Draghi, président de la BCE, de quoi "garder la tête hors de l'eau" le temps de s'entendre avec ses partenaires européens.
La nouvelle équipe aux manettes à Athènes, menée par le chef du parti de gauche radical Syriza Alexis Tsipras, veut renégocier sa dette de plus de 300 milliards d'euros et mettre fin à la cure de rigueur imposée par ses partenaires en échange de leur aide. MM. Tsipras et Varoufakis sont depuis dimanche en tournée européenne pour rallier les soutiens et expliquer leurs vues.
- augmenter la pression -
M. Varoufakis sera reçu jeudi par le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, l'un des plus fervents défenseurs de la rigueur budgétaire en Europe. Ce devrait être la dernière étape de cette opération séduction déjà pas très bien engagée, et à laquelle la BCE vient de porter un sacré coup.
"Sur le fond" les autres Européens n'ont pas bougé dans leurs positions, a estimé mercredi la chancelière allemande Angela Merkel. Ils ne veulent pas d'effacement de la dette, et veulent qu'Athènes continue ses réformes structurelles.
A Paris où il a reçu mercredi M. Tspiras, le président français Hollande a prôné "deux principes": la "solidarité" mais aussi le "respect () des règles européennes qui s'imposent à tous". Et à Bruxelles le président du Conseil européen Donald Tusk a laissé entrevoir "des efforts acharnés" pour arriver à une solution.
M. Draghi n'était visiblement pas enclin à se montrer plus accommodant. Il a demandé mercredi à M. Varoufakis de "négocier rapidement et de manière constructive" avec ses partenaires de l'Eurogroupe afin d'assurer "la stabilité financière" de la Grèce, selon une source à la BCE.
Joignant le geste à la parole, le conseil des gouverneurs réuni mercredi après-midi a décidé d'augmenter la pression sur Athènes.
La disposition qu'il suspend permettait aux banques grecques de financer des achats d'obligations grecques, et donc à l'Etat grec de lever de l'argent. Elle était conditionnée au programme d'aide dont bénéfice Athènes, et ce encore jusqu'à février.
- pas à sec -
Mais "il n'est pas possible à l'heure actuelle d'anticiper une issue positive" du programme d'aide, écrit la BCE dans son communiqué. En d'autres termes, il lui faut de la clarté sur le devenir du programme - les réformes initiées vont-elles êtres menées à bien? Que se passera-t-il après fin février? - avant de rouvrir ce robinet.
L'institution ne laisse pas les banques grecques complètement à sec: d'une part, elles pourront toujours apporter en garantie à la BCE d'autres actifs que de la dette publique grecque; d'autre part, elles pourront bénéficier d'un mécanisme d'urgence, appelé ELA, qui leur permet de recevoir des fonds de la Banque de Grèce en cas de crise de liquidité.
Le coup de semonce de la BCE arrive alors que M. Tsipras s'est dit mercredi à Bruxelles "très optimiste" sur la possibilité de "trouver une solution viable pour notre avenir".
Il a proposé un plan de réformes et de financement sur quatre ans (2015-2018), a indiqué une source gouvernementale à Athènes. Ce plan comprend un programme "radical" en matière de lutte contre la corruption et la fraude fiscale, couplé à un allègement des obligations budgétaires de la Grèce, a ajouté cette source.
Plusieurs dirigeants européens ont réclamé des mesures décidées contre la corruption et le clientélisme, parmi eux le président du Parlement européen Martin Schulz ou encore le vice-chancelier du gouvernement allemand et ministre de l'Economie, Sigmar Gabriel.
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