L'ex-gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, s'est défendu mercredi d'avoir abusé de la vulnérabilité de la milliardaire, une femme certes "âgée et fatiguée", mais une femme de pouvoir capable, selon lui, d'imposer sa volonté et de dire non.
Patrice de Maistre, 65 ans, poursuivi pour abus de faiblesse pourtant sur 12 millions d'euros et blanchiment, a d'emblée concédé : la santé de Liliane Bettencourt, "ça n'est pas tout blanc, ça n'est pas tout noir". Elle n'était "pas toujours en pleine forme" mais pas non plus "quelqu'un qui ne savait pas à qui elle s'adressait".
M. de Maistre est soupçonné d'avoir obtenu de la milliardaire une donation estimée à 8 millions d'euros. Il est aussi soupçonné d'avoir bénéficié de sommes en liquide - jusqu'à 4 millions d'euros - qu'il aurait remises à l'ex-ministre UMP Eric Woerth, ce que les deux hommes nient. Aussi en cause, une convention portant à 2 millions d'euros sa rémunération annuelle, signée en 2010 par Mme Bettencourt qui, selon une expertise ultérieure, souffrait déjà depuis plusieurs années d'une "démence mixte".
A la barre, le financier de la femme la plus riche de France a affirmé n'avoir "jamais forcé" la vieille dame à prendre une quelconque décision. "Elle ne disait pas +oui+ à tout ce que je lui proposais", assure l'ex-commissaire au compte, entré au service de la milliardaire en 2003 pour gérer les dividendes générés par ses actions de L'Oréal. Il prendra aussi en 2010 la tête de la Fondation Schueller-Bettencourt, d'où cette augmentation de salaire selon lui.
Le tribunal écoute ensuite un des enregistrements clandestins, réalisé le 4 mars 2010 au domicile de la milliardaire par son majordome: la vieille dame semble parfois perdue dans les différents dossiers abordés, mais sait aussi se faire insistante et inquisitrice auprès de son gestionnaire, particulièrement patient.
Pour M. de Maistre, ces écoutes ne reflètent pas le réel degré de compréhension de sa patronne. Le président Denis Roucou relève toutefois "des remarques étonnantes" de la part de Mme Bettencourt et s'étonne par exemple que personne ne l'ait "aidée à comprendre ce qu'était une tutelle".
"Elle ne s'est jamais considérée comme en état de faiblesse", insiste l'ex-gestionnaire. Envisager une mise sous tutelle, c'était lui "enlever toute sa vie" car "elle avait un pouvoir considérable". Quant à la plainte pour abus de faiblesse déposée par sa fille fin 2007, à l'origine de toute l'affaire, c'était, pour elle, "une attaque contre sa liberté d'agir".
- Le 'tabou' des relations avec Banier -
Cet enregistrement montre pourtant une compréhension "plus que parcellaire, pour ne pas dire inexistante" de Mme Bettencourt, a estimé Me Arnaud Dupin, avocat de Liliane Bettencourt, aujourd'hui âgée de 92 ans et sous tutelle.
Concernant les dons colossaux de la milliardaire à François-Marie Banier, également poursuivi pour abus de faiblesse, Patrice de Maistre s'est réjoui qu'elle l'ait "très peu mêlé à ça". Il a toutefois reconnu que, lorsqu'il avait entendu parler d'un testament faisant du photographe le "légataire universel" de l'héritière de L'Oréal, cela lui avait paru "démentiel".
"Je savais qu'elle était très généreuse avec ce monsieur Banier, qu'elle recevait beaucoup de dividendes et qu'elle pouvait se le permettre, même si pour moi c'était extravagant !". Et de citer ce que Mme Bettencourt lui aurait dit à propos de ces dons: "J'ai donné à ma fille tout ce que je lui devais, le reste c'est ma liberté, ça me regarde!".
Une relation entre la milliardaire et son confident, également évoquée par l'ex-secrétaire d'André Bettencourt, Chantal Trovel, brièvement passée au service de son épouse Liliane en 2007. Cette dernière rapporte la vive réaction de son patron lorsqu'il apprend que la secrétaire a rempli quatre chèques à destination de Banier en quinze jours: "le salaud!", se serait-il écrié.
Mais, ajoute-t-elle, il n'en a pas parlé pas à son épouse, "il ne voulait pas contrarier sa femme".
Les relations entre Mme Bettencourt et son confident étaient "assez tabou, pour tout le monde", résume Patrice de Maistre. Avant de presque s'excuser: "Comme celles de vieux messieurs qui ont de très jeunes femmes".
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