La Belgique est à son tour soupçonnée de favoriser les multinationales par des pratiques fiscales aussi avantageuses qu'injustifiées, trois mois après le scandale LuxLeaks au Luxembourg et en pleine offensive de l'administration américaine pour empêcher les fleurons de son économie d'échapper à l'impôt.
La Commission européenne a annoncé mardi l'ouverture d'une enquête concernant une disposition fiscale existant en Belgique qui bénéficie uniquement aux multinationales.
"Si c'est confirmé, il s'agira évidemment de pratiques injustes et d'une distorsion de concurrence", a souligné la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager. Elle n'a souhaité citer nommément aucune entreprise bénéficiant de cette règle, expliquant que l'enquête porte sur "un système".
La pratique visée prévoit la possibilité de déduire des revenus dits "excédentaires" de la base imposable d'une société appartenant à un groupe international. Il s'agit des bénéfices enregistrés dans les comptes de l'entité belge du groupe mais censés découler de sa dimension multinationale. Pour bénéficier de cette déduction, l'entreprise doit obtenir l'accord préalable de l'administration fiscale belge, au moyen d'une décision anticipée ("tax ruling").
Un avantage auquel ne peuvent prétendre ni les entreprises ne faisant pas partie d'une multinationale, ni les groupes belges, a souligné Mme Vestager. De plus, "les accords ne semblent être passés qu'avec les compagnies qui transfèrent une part importante de leurs activités en Belgique", a-t-elle souligné.
C'est pourquoi l'exécutif européen doute que ce système soit conforme aux règles de l'UE en matière d'aides d'Etat, qui interdisent l'octroi d'avantages sélectifs bénéficiant à certaines entreprises au détriment d'autres.
De plus, les déductions fiscales accordées dans le cadre de cette disposition dépassent généralement 50% et peuvent même atteindre 90% des bénéfices concernés, relève la Commission, qui craint que cela "constitue une surévaluation importante des avantages réels que procure l'appartenance à une multinationale".
La Commission enquête depuis juin 2013 sur les pratiques fiscales de certains pays européens à l'égard des entreprises. En décembre 2014, après le scandale "LuxLeaks" d'évasion fiscale massive de la part de multinationales bénéficiant de rescrits fiscaux au Luxembourg, elle a élargi sa collecte de renseignements à tous les Etats de l'UE.
- 'Dans la presse' -
C'est d'ailleurs à la suite de LuxLeaks que ses soupçons se sont portés sur les pratiques de la Belgique. "Nous avons vu que la pratique du +ruling+ pour les bénéfices excédentaires était mentionnée dans la presse, et nous sommes partis de là" pour mener l'enquête, a expliqué Mme Vestager.
Quatre autres enquêtes de la Commission sont en cours pour déterminer si des entreprises ont bénéficié d'avantages fiscaux indus. Il s'agit d'Apple en Irlande, Starbucks aux Pays-Bas, Fiat et Amazon au Luxembourg. Mme Vestager avait indiqué en novembre qu'elle espérait les finaliser au deuxième trimestre de cette année.
Elle a précisé mardi que la Commission continuait d'analyser les données apparues en novembre avec LuxLeaks, et que "d'autres enquêtes pourraient intervenir plus tard".
LuxLeaks a, plus largement, incité les autorités européennes à mettre en chantier un ensemble de mesures pour lutter contre l'évasion fiscale en Europe. Le commissaire chargé de la Fiscalité, Pierre Moscovici, a promis que la Commission présenterait cette année une feuille de route pour "mieux lutter contre la concurrence fiscale nuisible, l'érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices".
En matière de fiscalité, "je m'occupe de l'aspect correctif, et lui de l'aspect préventif", a résumé Mme Vestager.
L'annonce de l'enquête visant la Belgique intervient au moment où l'administration Obama se montre déterminée à s'attaquer au trésor de guerre amassé par les multinationales américaines à l'étranger. Une mesure-choc de son budget 2016 présenté lundi vise une pratique légale, mais hautement controversée: la possibilité pour les entreprises américaines de stocker indéfiniment une partie de leurs bénéfices à l'étranger, hors de portée du fisc.
L'administration propose une taxe exceptionnelle de 14% et le rapatriement de ces fonds. Dans un deuxième temps, les entreprises devraient chaque année payer au moins 19% sur leurs bénéfices à l'étranger. Des dispositions qui ont toutefois peu de chances de se concrétiser, le Congrès étant dominé par les adversaires républicains du président Barack Obama.
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