Après les questions de procédure lundi, le procès du Carlton est entré dans le vif du sujet mardi à Lille, avec l'audition du "groupe des hôteliers", à commencer par René Kojfer, figure centrale de l'affaire de proxénétisme impliquant Dominique Strauss-Kahn et une douzaine d'autres prévenus.
Premier mis en examen, premier à s'avancer à la barre, René Kojfer est réputé être celui qui a fait le lien entre les différents cercles mis en cause.
Il est à l'époque chargé des relations publiques de l'hôtel de luxe, ainsi que d'un second établissement, l'hôtel des Tours. C'est au cours de l'une de ses conversations téléphoniques, écoutées par la police, qu'est apparu pour la première fois le nom de DSK.
Lundi, l'ancien patron du Fonds monétaire international a affirmé au président du tribunal Bernard Lemaire qui l'a brièvement interrogé, qu'il n'avait jamais rencontré M. Kojfer, pas plus que le souteneur Dominique Alderwereild, alias Dodo la saumure, employeur en Belgique des filles ayant participé aux soirées libertines.
DSK ne reviendra pas témoigner avant le milieu de la semaine prochaine. Entre temps, le tribunal se sera attelé à compartimenter et à clarifier les différents volets de l'affaire.
En veste de costume noire, chemise à carreaux sombre, René Kojfer, 74 ans, n'entend pas bien à la barre. Son avocat lui répète souvent les questions. Le dialogue n'est pas toujours simple. Le tribunal s'attache dans un premier temps à la personnalité des prévenus.
"Vous voulez vous faire passer aujourd'hui comme quelqu'un qui n'est pas très intelligent. Mais il est dit dans le dossier que vous êtes un malin", lance à un moment le procureur de la République Frédéric Fèvre. "Une personne qui connaissait les membres de son groupe et les membres des autres groupes", comme l'a décrit le président du tribunal Bernard Lemaire en tentant de synthétiser les relations entre les 14 prévenus du procès et les différents aspects du dossier.
- "Au téléphone, je parle beaucoup" -
René Kojfer est accusé de proxénétisme aggravé: non seulement d'avoir aidé ou assisté à la prostitution mais aussi d'avoir embauché des jeunes femmes et dans deux cas, d'en avoir tiré profit. On lui reproche d'avoir fait l'intermédiaire entre des prostituées et des clients du Carlton.
Né pendant la guerre, caché en Suisse en 1943 (les souvenirs font monter les larmes aux yeux de René Kojfer), l'homme commence à travailler dès 14 ans dans un atelier de confection. Il arpente le monde du textile pendant 50 ans, dit ne jamais avoir vraiment gagné beaucoup d'argent. Sa retraite se monte à 780 euros par mois.
Ses amis le décrivent surtout comme pingre -- il se faisait souvent payer le déjeuner -- mais aussi comme "volubile, excentrique, une pièce de théâtre à lui tout seul". Pas vraiment l'impression qu'il donne à la barre du tribunal.
L'expert qui l'a interrogé en parle comme un homme qui n'est pas de nature méchante mais est "immature".
Il connaît beaucoup de monde à Lille, René Kojfer, de nombreux policiers notamment pour qui il a pu faire "la chèvre" à une époque. "C'est vrai que vous étiez indic?", lui demande le président. "J'aime pas beaucoup ce mot-là. C'est une personne qui est dans le milieu, moi je ne fais pas partie du milieu", repond-il. Franc-maçon depuis plus de 30 ans, nombre de ses amis sont issus de ce cercle.
Il aime bien se vanter, semble-t-il, surtout au téléphone. "Je téléphone beaucoup oui. Au téléphone je parle beaucoup". Sourires dans le public.
Son avocat Hubert Delarue souligne qu'il est sous traitement et prend des anti-dépresseurs. Il boit "moins", après avoir souffert d'alcoolisme. "Vous avez tendance à raconter des bobards?", lui demande son conseil. "Ca m'arrive", reconnaît-il.
A ses côtés, les autres "hôteliers", Francis Henrion, ancien directeur du Carlton, et Hervé Franchois, propriétaire de l'hôtel, qui doivent également répondre de proxénétisme aggravé, et se sont expliqués principalement sur les montages financiers concernant la propriété et la gestion du Carlton.
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