Près de quatre ans après le scandale sexuel du Sofitel qui avait brisé net une ascension politique semblant irrésistible, Dominique Strauss-Kahn s'est retrouvé lundi sur le banc des prévenus, accusé de proxénétisme aggravé, aux côtés de 13 autres personnes mêlées à l'affaire dite du Carlton de Lille.
L'ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI), longtemps favori des sondages en vue de la présidentielle 2012 avant sa chute faustienne à New York devant les caméras du monde entier, est soupçonné d'avoir été au coeur d'un réseau de prostitution mis en place par ses amis du Nord.
Il encourt jusqu'à 10 ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende, alors que le parquet, durant l'instruction, avait requis le non-lieu en ce qui le concerne.
Pour l'accusation, Dominique Strauss-Kahn était "le roi de la fête" des nombreuses parties fines organisées avec des prostituées. Pour sa défense, il admet être adepte du libertinage mais affirme avoir ignoré la qualité des jeunes femmes participant aux soirées.
Ouvrant l'audience, peu après 14H00, le président du tribunal, Bernard Lemaire, a commencé à égrainer les noms des prévenus, de leurs avocats et des parties civiles, ainsi que les chefs de poursuite, devant une salle comble où figuraient nombre de journalistes de la presse nationale et internationale.
Il a notamment indiqué qu'un cadre d'Eiffage, Jean-Luc Vergin, n'était finalement pas poursuivi, lui, pour proxénétisme mais pour complicité d'escroquerie et d'abus de biens sociaux, ayant signé les notes de frais d'un de ses subordonnés, l'un des 13 autres co-prévenus.
DSK avait pénétré dans la salle avec son avocat, Me Henri Leclerc, octogénaire ténor du barreau, près de trois quarts d'heure avant le début du procès, qui doit durer trois semaines.
Son témoignage n'est cependant pas prévu avant le milieu de la semaine prochaine.
DSK comparaît aux côtés notamment d'un hôtelier, d'un policier, d'un avocat et d'entrepreneurs, ainsi que du médiatique "Dodo la Saumure", tenancier revendiqué d'établissements "de plaisir" en Belgique.
Quelques minutes après qu'une voiture aux vitres fumées fut entrée rapidement par un accès latéral dans le parking souterrain du palais de justice, DSK apparaissait dans la salle d'audience.
Costume noir et cravate foncée, l'ancien patron du FMI est apparu devisant l'air sérieux, détendu, mais les traits marqués, les mains dans les poches, avec son avocat Me Henri Leclerc, selon les images télévisuelles en circuit fermé.
Plus tard, quand les portes de la salle se sont ouvertes, Dodo la Saumure assis avec sa compagne Bea Legrain, également prévenue, s'est retourné paisiblement pour regarder la salle se remplir.
Le tribunal correctionnel de Lille devra, avant tout débat sur le fond, régler des questions de procédure. L'avocat du policier Jean-Christophe Lagarde a d'ores et déjà déposé une requête en nullité, que le tribunal a commencé à examiner vers 15H00.
Se fondant sur les déclarations d'un ancien commissaire de la police judiciaire de Lille, Joël Specque, dans un livre autobiographique, Me Olivier Bluche estime qu'une enquête "officieuse" a été menée dès juin 2010, bien avant l'ouverture de l'enquête préliminaire en février 2011.
"On demande au tribunal de juger d'une affaire en lui cachant huit mois d'investigation", avance-t-il, bafouant ainsi, selon lui, le droit à un procès équitable.
Les avocats peuvent déposer une "QPC", question prioritaire de constitutionnalité, devant le tribunal, qui doit l'examiner. S'il l'estime valable, les débats sont le plus souvent suspendus jusqu'à ce que la question soit tranchée, ce qui peut prendre plusieurs mois.
- Demande de huis clos -
Par ailleurs, l'avocat d'anciennes prostituées qui se sont portées parties civiles a demandé le huis clos. Le tribunal s'est aussitôt retiré pour statuer.
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