Quatorze personnes, dont l'écrasante figure de l'ancien directeur du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn, comparaissent à partir de lundi 14H00 dans l'affaire de proxénétisme dite du Carlton, en compagnie de 24 avocats et sous les yeux de dizaines de journalistes.
Plus de trois ans après l'affaire du Sofitel de New York, l'ancien favori des sondages de la présidentielle 2012 se retrouve sur le banc des prévenus, accusé cette fois d'avoir été au coeur d'un réseau de prostitution mis en place par ses amis du nord.
Il y siégera aux côtés notamment d'un hôtelier, d'un policier, d'un avocat et d'entrepreneurs, ainsi que du médiatique "Dodo la Saumure", tenancier revendiqué d'établissements "de plaisir" en Belgique.
Le proxénétisme aggravé en réunion est puni jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende. Même si son témoignage n'est pas prévu avant le milieu de la semaine prochaine, DSK est attendu lundi pour l'ouverture d'un procès fleuve d'au moins trois semaines.
Dès l'aube, les chaînes françaises d'information en continu et des médias étrangers comme la RTBF de la Belgique voisine avaient déployé devant le palais de justice cars-régie et plateaux de direct pour commenter cette nouvelle aventure judiciaire de celui qui fut l'un des hommes les plus puissants de la planète.
Le tribunal correctionnel de Lille devra, avant tout débat sur le fond, régler des questions de procédure. L'avocat du policier Jean-Christophe Lagarde a d'ores et déjà déposé une requête en nullité.
Se fondant sur les déclarations d'un ancien commissaire de la police judiciaire de Lille, Joël Specque, dans un livre autobiographique, Me Olivier Bluche estime qu'une enquête "officieuse" a été menée dès juin 2010, bien avant l'ouverture de l'enquête préliminaire en février 2011. "On demande au tribunal de juger d'une affaire en lui cachant huit mois d'investigation", avance-t-il, bafouant ainsi selon lui le droit à un procès équitable.
Les avocats ont la possibilité de déposer une "QPC", question prioritaire de constitutionnalité, devant le tribunal, qui doit l'examiner. S'il l'estime valable, les débats sont le plus souvent suspendus jusqu'à ce que la question soit tranchée, ce qui peut prendre plusieurs mois.
- Demande de huis clos -
Par ailleurs, l'avocat d'anciennes prostituées qui se sont portées parties civiles a fait part de son intention de demander le huis clos, ce que le tribunal décidera dans la foulée.
Lors de son renvoi devant le tribunal correctionnel, ses avocats avaient déclaré que DSK se rendrait "sereinement" devant la justice, fort des réquisitions de non-lieu prises par le parquet dans cette affaire. L'un de ses conseils Richard Malka avait parlé d'un "acharnement" des juges, fondé sur la morale plutôt que sur le droit.
L'affaire remonte à février 2011, alors que la police judiciaire de Lille ouvre une enquête préliminaire sur les fréquentations de deux hôtels de luxe de Lille, dont le Carlton. Moins de deux mois plus tard, une information judiciaire est ouverte.
Le premier mis en examen est René Kojfer, chargé des relations publiques à l'hôtel Carlton.
La surveillance mise en place permet aux enquêteurs de remonter un réseau de notables qu'ils soupçonnent de profiter des filles mises à leur disposition, notamment deux entrepreneurs du Pas-de-Calais, David Roquet, alors directeur d'une filiale du groupe de BTP Eiffage, et Fabrice Paszkowski, un entrepreneur spécialisé dans le matériel médical.
Ces deux derniers font partie d'un cercle amical, libertin, parfois franc-maçon, auquel viennent s'ajouter le policier Jean-Christophe Lagarde, alors directeur de la sûreté départementale du Nord, et Dominique Strauss-Kahn.
Le nom de ce dernier était apparu fortuitement au cours de l'instruction, lui donnant ainsi un retentissement qu'elle n'aurait sans doute pas eu autrement.
Selon l'accusation, les quatre hommes se sont retrouvés à l'occasion de plusieurs soirées, dans le Nord mais aussi à Paris ou encore à Washington, où trois voyages ont été organisés alors que DSK était encore à la tête du FMI.
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