Virtuose mondialement reconnu, le pianiste français d'origine italienne Aldo Ciccolini, décédé à l'âge de 89 ans à son domicile d'Asnières-sur-Seine, en région parisienne, aura affiché plus de 60 années d'une carrière toute en finesse et sans esbroufe.
Devenu le doyen des grands maîtres du clavier, il considérait le piano comme un "sacerdoce" quasi religieux, lui qui se disait athée, quoique que non dénué de croyances superstitieuses.
Dès l'âge de 5 ans, il acquiesce lorsque son père lui demande s'il est prêt à sacrifier sa vie pour le piano. Plus de quatre-vingts ans plus tard, cet illustre pédagogue continuait à transmettre discrètement le flambeau à ses élèves.
Discret et sans esbroufe, Aldo Ciccolini l'aura été jusque dans sa mort dans la nuit de samedi à dimanche à son domicile d'Asnières-sur-Seine, qu'il avait regagné il y a quelques jours.
"Il était dans un état général fragile, il n'y a pas quelque chose qui s'est déclenché brutalement", a dit à l'AFP son manager et ami Paul Blacher. "Il était à l'hôpital depuis quelques semaines et était rentré la semaine dernière chez lui".
Certains l'ont ainsi surnommé à tort, "the loner" -le solitaire-. C'est omettre que l'inoubliable interprète de Saint-Saëns s'est imposé aussi comme un découvreur de compositeurs et un infatigable "passeur" de musique.
Né à Naples le 15 août 1925 dans une famille mélomane, il y travaille l'harmonie, le contrepoint, la fugue, l'orchestration, et remporte prix sur prix au Conservatoire, qui lui confie une classe dès 1947. Il n'a que 22 ans.
Deux ans plus tard, en 1949, il triomphe avec le Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski, au redoutable concours Marguerite Long-Jacques Thibaud, à Paris. Et c'est là qu'il s'installe, auprès de ses maîtres Marguerite Long, Alfred Cortot et Yves Nat, avant d'obtenir la nationalité française en 1969.
Sa carrière internationale démarre dès 1950 en Amérique Latine, puis à New York, sous la direction de Dimitri Mitropoulos. On le présente déjà comme un ardent défenseur des musiciens français les plus connus, Debussy et Ravel.
Mais pas seulement. Il exhume des compositeurs négligés par la critique, tels Erik Satie, Valentin Alkan, Déodat de Séverac, Emmanuel Chabrier ou Alexis de Castillon.
- L'art de jouer lentement -
Il est intarissable sur "la magie de la musique française, son extrême pudeur", écrite "d'une façon miraculeuse".
Pudique, Aldo Ciccolini l'est tout autant, qui ignore les effets de manches, même dans les partitions les plus échevelées de Liszt, estimant que "l'artiste doit se faire oublier comme entité physiologique".
Il se méfie de la fausse virtuosité. "La virtuosité, dit-il, n'est pas froide, il s'agit de quelque chose d'intérieur. On reconnaît un virtuose à l'art de jouer lentement. La rapidité en musique masque souvent l'insuffisance des moyens".
Soliste des grandes formations symphoniques mondiales, il interprète Bach et Scarlatti, Rachmaninov, Grieg ou Borodine sous la direction de chefs illustres -André Cluytens, Pierre Monteux, Charles Münch, ou Wilhelm Furtwängler.
Il reçoit en 1972 le prix de l'Académie du disque français, et ses concerts de Ravel lui valent le Prix de l'Académie Charles Cros en 1976.
Après deux décennies passées comme professeur au Conservatoire national supérieur de Paris (CNSP), dans les années 1970 et 80, Aldo Ciccolini continue de dispenser ses master-classes en France, en Italie ou au Japon.
Modeste, il se considère non pas comme un maître à imiter mais comme un passeur de flambeau. "Il n'y a, dit-il, rien de plus émouvant que de voir le talent d'une jeune fille ou d'un jeune homme se développer comme une fleur".
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