Eugene de Kock, le plus célèbre tueur de l'apartheid, coupable de kidnappings, tortures et assassinats d'opposants, est maintenant un homme libre, le ministre sud-africain de la Justice lui ayant accordé vendredi la liberté conditionnelle après 20 ans en prison.
La décision, qui a immédiatement suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, a été prise "dans l'intérêt de la réconciliation nationale", a déclaré le ministre Michael Masutha lors d'une conférence de presse à Pretoria.
Alors que le dilemme du ministre - le libérer conformément au droit ou prolonger sa détention en raison de la nature de ses crimes - avait été largement évoqué par les médias sud-africains ces derniers jours, sa décision n'a finalement suscité que peu de réactions.
Un certain nombre de Sud-Africains ont tout de même déversé leur incompréhension sur Twitter: "Eugène de Kock mérite la même pitié que celle qu'il a montré pour ses victimes: AUCUNE! La vengeance est une émotion légitime", a tonné Lindani Mazibuko sur le réseau social.
"De Kock est un tueur de sang-froid. Il a commis certains des crimes les plus brutaux contre des Noirs et maintenant le pays est désolé pour lui", a renchéri la twitteuse #Iamnigeria.
Jane Quinn, soeur d'une des victimes du "tueur numéro 1" de l'apartheid qui militait depuis plusieurs années contre sa libération, a exprimé sa déception sur la radio 702: "Les agneaux sacrificiels ne sont pas De Kock, ce sont ses victimes, elles ne reviendront pas après 20 ans!"
L'archevêque Desmond Tutu, conscience morale de l'Afrique du Sud, a au contraire estimé que la libération de l'ancien policier "représente une étape sur la route de l'Afrique du Sud vers la réconciliation et la guérison".
"De Kock mérite d'être libéré car il a a purgé une peine relativement longue en prison, il a présenté ses excuses et a recherché le pardon de beaucoup de ses victimes. Il semble depuis un certain temps (de ce que nous avons vu) être prêt pour une réhabilitation", a estimé le prélat dans un communiqué.
- Obéir aux ordres -
L'ancien colonel de la police Eugene de Kock, 66 ans, a été un prisonnier modèle pendant sa détention, coopérant avec les autorités pour retrouver les corps de ses victimes et demandant pardon aux familles.
"Il a payé sa dette à la société, et je crois qu'il est temps que l'Afrique du Sud commence à digérer son passé", a réagi l'avocat de l'ancien colonel, Julian Knight.
De Kock avait été condamné en 1996 à deux peines de perpétuité et 212 ans de prison pour 89 crimes et délits commis lorsqu'il était à la tête d'une unité antiterroriste de la police du régime raciste.
Présidée par Mgr Tutu, la Commission vérité et réconciliation (TRC), mise sur pied pour révéler et éventuellement pardonner les crimes de l'apartheid, lui a ensuite accordé l'amnistie pour une bonne partie de ses crimes, y compris deux attentats à la bombe et 12 meurtres de militants antiapartheid.
Mais elle lui a refusé l'amnistie pour six meurtres, estimant que les victimes n'avaient pas de lien avec la guérilla antiapartheid et qu'un mobile politique ne pouvait être invoqué.
Il est donc resté en prison, tandis que ses supérieurs - et notamment Frederik de Klerk, le dernier président de l'apartheid, prix Nobel de la paix - sont restés libres.
Tant pendant son procès que devant la TRC, Eugene de Kock, qui s'est lui-même qualifié d'"assassin d'Etat", avait longuement et froidement détaillé une multitude d'atrocités commises par son unité secrète du Vlakplaas - du nom d'une ferme proche de Pretoria - entre 1985 et 1993, n'omettant aucun détail.
"Je suis le seul membre de la police sud-africaine qui purge une peine pour des crimes que j'ai commis dans le cadre des tentatives du Parti national (au pouvoir de 1948 à 1994) pour défendre l'apartheid et combattre les mouvements de libération", avait-il souligné dans sa demande de libération conditionnelle.
"Pas un seul des généraux précédents ou des ministres qui ont été au gouvernement jusqu'en 1990 n'a été poursuivi", a-t-il ajouté, notant qu'il n'aurait jamais commis ces crimes hors du contexte de l'époque, surtout s'il n'avait pas reçu d'ordres.
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