L'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, a assuré jeudi à Bordeaux, entre émotion et défensive, avoir été plongé bien malgré lui dans les affaires personnelles, comptes cachés et "déchirures" d'une famille multimilliardaire vivant "dans un monde tout à fait à part".
L'un des prévenus principaux du volet "abus de faiblesse" de l'affaire Bettencourt, Patrice de Maistre, 65 ans, a réaffirmé ses liens avec le député et ex-ministre UMP Eric Woerth, lui aussi jugé par le tribunal correctionnel de Bordeaux jusqu'au 27 février, comme huit autres prévenus.
Et celui qui gérait la fortune de la femme la plus riche de France a de nouveau évoqué des rencontres, déjà révélées par des écoutes téléphoniques de 2009, avec l'ex-conseiller justice de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, Patrick Ouart, au sujet de L'Oréal. Selon lui, ces rencontres étaient mues par l'intérêt de l'Elysée pour l'"enjeu économique" national que représentait l'avenir du groupe de cosmétiques L'Oréal, sur fond de disputes mère-fille. Rencontres où il affirme aussi avoir appris à l'avance, de la bouche de M. Ouart, le classement d'une plainte de Françoise Bettencourt-Meyers, la fille unique de Liliane Bettencourt.
Haute stature, allure sportive traduisant sa passion pour la voile, Patrice de Maistre n'a pu s'empêcher de fondre en larmes à plusieurs reprises: en évoquant sa vie personnelle, ses enfants, mais aussi Alain Thurin, ex-infirmier de Liliane Bettencourt, qui a fait dimanche une tentative de suicide, à la veille du procès.
- Des comptes en Suisse depuis 50 ans -
"Je suis désolé de ce spectacle, cela va passer", s'excuse-t-il auprès du tribunal, alternant ensuite pendant plus de deux heures et demie les postures défensives et les moments d'émotion.
M. de Maistre, expert-comptable, commissaire aux comptes puis auditeur à succès, avait été recruté fin 2003 comme directeur-général de Thétys et Clymène, les sociétés gérant les dividendes tirées de L'Oréal par la famille Bettencourt.
A l'en croire, il s'est retrouvé à gérer bien plus que cela. Il décrit comment il se découvre peu à peu "dans une famille qui a des comptes en Suisse depuis 50 ans", d'autres à Gibraltar, qui achète une île seychelloise discrètement, possède un ranch aux Etats-Unis, des tableaux, etc.
Gérer cet argent dissimulé, "ce n'était pas le contrat de départ", s'est défendu M. de Maistre, qui dit n'en avoir eu "ni besoin ni envie".
- 'Aucun intérêt à la déchirure' -
Et d'enfoncer le clou sur la rupture entre Liliane Bettencourt sa fille Françoise, après la plainte en 2007 de cette dernière, à l'origine de l'affaire.
"Je n'avais aucun intérêt, que des inconvénients, à cette déchirure familiale" vécue comme un "coup de poignard", une "déclaration de guerre" par la vieille dame, 11e fortune mondiale, explique-t-il.
Patrice de Maistre est jugé pour "abus de faiblesse" et "blanchiment": il est soupçonné d'avoir abusé de la vulnérabilité de l'héritière de L'Oréal, aujourd'hui âgée de 92 ans et sous tutelle, pour des donations et obtention d'espèces totalisant plus de 12 millions d'euros. En 2012 il a passé près de trois mois en détention provisoire dans ce dossier.
Selon l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout - que le tribunal de Bordeaux espère entendre malgré un certificat médical - M. De Maistre aurait aussi été l'intermédiaire qui "s'occupait des politiques". Il aurait notamment versé de l'argent en 2007 à Eric Woerth, alors trésorier de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. L'ancien chef de l'Etat, mis en examen en 2013, a bénéficié d'un non-lieu.
Gêné dans ses explications sur son rôle de gestionnaire, voire sur son patrimoine (11 millions d'euros à titre personnel, 14 millions professionnels, selon l'instruction), M. De Maistre a paru en revanche à l'aise sur ses relations avec le politique, avouant son "admiration" pour Eric Woerth, à la campagne duquel il dit avoir contribué financièrement à titre personnel, comme à celle de Nicolas Sarkozy.
Dans un volet distinct du tentaculaire dossier Bettencourt, MM. de Maistre et Woerth doivent être jugés en mars pour trafic d'influence actif et passif, respectivement. M. de Maistre est soupçonné d'avoir fourni un travail à l'épouse d'Eric Woerth dans la société Clymène, en échange d'une Légion d'honneur, que lui remit le ministre.
Le tribunal devait examiner, après M. de Maistre, la personnalité de M. Woerth.
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