Des opposants syriens et des émissaires du président Bachar al-Assad ont entamé mercredi à Moscou des pourparlers, les premiers depuis l'échec des négociations de Genève, pour tenter de renouer le dialogue après presque quatre ans d'une guerre qui a fait 200.000 morts.
Ces discussions, aux ambitions modestes compte tenu de l'absence de la Coalition nationale de l'opposition syrienne, considérée par la communauté internationale comme la principale force d'opposition au régime de Damas, interviennent alors que les forces kurdes poursuivent leurs opérations de "nettoyage" autour de la ville syrienne de Kobané, libérée du groupe Etat islamique (EI).
L'EI, dont l'irruption au premier plan a profondément modifié la donne sur le terrain en Syrie et a poussé les Occidentaux à revoir leur stratégie à l'égard de Bachar al-Assad, menace d'exécuter dans les prochaines heures un journaliste japonais et un pilote jordanien si une Irakienne condamnée à mort pour terrorisme en Jordanie n'est pas libérée.
Pas plus que l'opposition en exil, l'organisation Etat islamique n'est représentée à Moscou.
Les 32 membres de différents groupes de l'opposition tolérée par Damas et les 6 membres de la délégation officielle, menée par l'ambassadeur de Syrie à l'ONU, Bachar Jaafari, ont commencé à se réunir mercredi matin dans une résidence de la diplomatie russe, a indiqué un des participants à l'AFP.
Il s'agit des premières discussions de membres de l'opposition, notamment des représentants du Comité de coordination nationale pour les forces du changement démocratique (CCND) et des Kurdes, avec des responsables du régime depuis l'échec des pourparlers de Genève II en février 2014.
Mais, reconnaît un des opposants participant aux discussions, les ambitions de cette rencontre sont modestes compte tenu de l'absence de la Coalition nationale de l'opposition syrienne. La Coalition a exclu toute participation, estimant que les discussions devraient avoir lieu sous l'égide de l'ONU en pays "neutre", et non en Russie, soutien indéfectible de Damas.
"Nous sommes venus avec une liste de dix points. Pour éviter de faire la même erreur que l'opposition à Genève II, nous n'allons pas aborder tout de suite la question d'un gouvernement transitoire", a affirmé cet opposant. Parmi les priorités de l'opposition avancées à Moscou: l'arrêt des bombardements, la libération de prisonniers politiques, "en priorité les femmes et les enfants", des "mécanismes pour l'acheminement de l'aide humanitaire".
"Ces premières discussions ne sont que le début d'un long processus" de paix, a souligné l'opposant qui s'exprime sous couvert de l'anonymat pour ne pas saper les négociations.
- Nouer des 'contacts personnels' -
Après une première session de discussions dans la matinée, les Syriens doivent rencontrer le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov dans l'après-midi avant de reprendre leurs pourparlers.
Des discussions entre opposants et responsables du régime sont également prévues jeudi. L'opposition s'était réunie lundi et mardi pour tenter d'établir une position commune. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a réfuté l'idée de "négociations" mais parle plutôt de "discussions avant des négociations", d'entretiens visant à nouer des "contacts personnels".
Dans une interview à la revue Foreign Affairs publiée lundi, le président syrien a apporté son soutien aux rencontres tout en mettant en cause la légitimité de certains participants. "Ce qui se déroule à Moscou n'est pas une négociation sur une solution (au conflit). Ce sont juste des préparatifs pour une conférence", a déclaré Bachar al-Assad.
"Nous allons parler à tout le monde. Mais il faut demander à chacun (des opposants): Qui représentez-vous?", a-t-il ajouté, fustigeant les "marionnettes du Qatar, de l'Arabie saoudite ou de tout pays occidental".
Pour sa part, Washington a déclaré récemment soutenir "tout effort" qui pourrait permettre d'obtenir "une solution durable au conflit". Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a répété de son côté en début de semaine que la Syrie de demain devait se faire sans Bachar al-Assad.
"Personne de raisonnable ne peut penser qu'un homme responsable de 200.000 morts va être l'avenir de son peuple, ça n'a pas de sens", a-t-il déclaré estimant que maintenir Assad revenait à "faire un cadeau absolu" à l'organisation État islamique.
Pour les analystes, en accueillant opposants et émissaires de Damas, Moscou poursuit un double objectif: apparaître comme un médiateur fiable capable de faire s'asseoir les belligérants à la même table, et surtout légitimer Assad.
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