La défense a tiré à boulets rouges mardi à Bordeaux sur le dossier, entièrement à charge selon eux, des "abus de faiblesse" reprochés à l'entourage de Liliane Bettencourt, dont certains membres sont accusés d'avoir soutiré à la richissime héritière du groupe L'Oréal des sommes colossales.
Malgré le rejet par le tribunal correctionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), les avocats de la défense n'ont pas désarmé et se sont lancés dans une nouvelle salve de demandes visant à faire annuler ou reporter ce procès-fleuve, prévu pour durer cinq semaines. Le tribunal doit juger dix hommes, dont le député UMP et ex-ministre Eric Woerth, soupçonnés d'avoir profité entre 2006 et 2011 de la vulnérabilité de la femme la plus riche de France. Aujourd'hui âgée de 92 ans et sous tutelle, Liliane Bettencourt est la grande absente du procès.
Pierre Cornut-Gentille, l'un des avocats du photographe François-Marie Banier, confident de la milliardaire, a ainsi égrené les "éléments à décharge" qui auraient selon lui été délibérément ignorés par les juges d'instruction.
L'avocat a notamment cité quelques-unes des 2.000 à 3.000 lettres que son client aurait échangées avec Mme Bettencourt. "C'est ma marge de liberté que j'entends préserver", aurait notamment écrit Mme Bettencourt en 1999 à propos des donations faites à son ami. "M. Banier ne m'a jamais demandé d'argent", assurerait-elle encore selon Me Cornut-Gentille.
- 'Après le show, le froid' -
Poursuivi pour "abus de faiblesse" et "blanchiment", François-Marie Banier est à lui seul accusé d'avoir perçu plus de 400 millions d'euros de la part de la milliardaire, sans compter les autres cadeaux consentis au compagnon du photographe, Martin d'Orgeval, lui aussi présent sur le banc des prévenus.
Même stratégie du côté de la défense de Patrice de Maistre, ancien gestionnaire de la fortune de la milliardaire, dont les avocats ont dénoncé une instruction en forme de "réquisitoire". Le juge d'instruction Jean-Michel Gentil - qui avait notamment mis en examen Nicolas Sarkozy, au printemps 2013, avant que l'ex-président ne bénéficie d'un non lieu - a été nommément pris à partie.
"La défense a voulu se positionner pour fustiger l'instruction, c'est ce qu'elle fait depuis le départ", a tempéré Me Arnaud Dupin, l'un des avocats de Mme Bettencourt, partie civile. "Mais après le +show+ va venir le froid, va venir la réalité du dossier", a-t-il prévenu. Dons manuels ou "libéralités" par dizaines de millions d'euros, faramineux contrats d'assurance-vie, oeuvres d'art: c'est dans un monde d'ultra-riches que le procès pourrait plonger dès mercredi pour tenter de démêler les cadeaux liés à "l'amitié" des présumés "abus de faiblesse".
Me Patricia Laffont, autre avocate de Patrice de Maistre, a pris pour cible Claire Thibout, ancienne comptable de Liliane Bettencourt et "témoin central" dans les accusations contre MM. Banier et de Maistre.
"On a l'impression qu'elle est encore plus accusatrice que le réquisitoire de M. le Procureur", a lancé l'avocate, déplorant la "place démesurée" faite aux déclarations de Mme Thibout, "citée 144 fois" dans le dossier.
- Témoignage par visio-conférence ? -
Ce témoin-clef viendra-t-il déposer à Bordeaux pour faire la lumière sur les pratiques qui avaient cours dans l'hôtel particulier de la 11e fortune mondiale (30 milliards d'euros selon le magazine Forbes) à Neuilly-sur-Seine?
Lundi, l'avocat de Mme Thibout a produit le certificat médical d'un psychiatre évoquant un état "incompatible" avec le fait de venir témoigner, "pour une durée indéterminée", au grand dam de la défense.
Car Claire Thibout a été mise en examen fin 2014 à Paris, dans une procédure distincte, pour "faux témoignages" à la suite d'une plainte de François-Marie Banier et Patrice de Maistre. Et leurs avocats comptent bien en profiter pour demander la suspension du procès jusqu'à la fin de la procédure visant l'ex-comptable de 56 ans.
Dès la reprise de l'audience mardi, le président Denis Roucou a demandé qu'une expertise médicale soit réalisée d'ici le 1er février sur Mme Thibout afin de déterminer si elle peut venir témoigner à la barre ou, à défaut, par visio-conférence.
Mme Thibout accuse depuis le début François-Marie Banier et Patrice de Maistre d'avoir profité de la fragilité de sa patronne. Elle a notamment affirmé avoir remis à M. de Maistre 50.000 euros en liquide, qui auraient été destinés à Eric Woerth, poursuivi pour "recel". Ce que MM. de Maistre et Woerth nient.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.