Après le rejet d'une question de constitutionnalité de la défense, le premier procès de "l'affaire Bettencourt" a repris normalement son cours mardi devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, qui a demandé une expertise pour tenter de faire venir à la barre Claire Thibout, témoin à charge central dans ce dossier.
Le tribunal a estimé que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par les défenseurs du photographe François-Marie Banier et de Patrice de Maistre, respectivement anciens confident et gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, "ne revêt pas un caractère sérieux", a expliqué son président, Denis Roucou.
Par conséquent, "il n'y a pas lieu de transmettre à la Cour de cassation" cette QPC, ce qui aurait eu pour effet de suspendre les débats jusqu'à ce que cette haute juridiction se prononce.
Mais la défense n'a pas désarmé et est aussitôt revenue à la charge avec une nouvelle salve de demandes visant à faire annuler ou reporter le procès, en attaquant cette fois l'instruction du dossier.
Pierre Cornut-Gentille, l'un des avocats de M. Banier, a ainsi égrené les "éléments à décharge" qui auraient selon lui été délibérément ignorés lors de l'instruction, plaidant la "nullité" des poursuites engagées contre son client pour "vice de procédure".
Même stratégie pour Pierre Haïk, défenseur de Patrice de Maistre, pour qui l'ordonnance de renvoi devant le tribunal n'est rien d'autre qu'"un réquisitoire". Et de tirer à boulets rouges sur l'instruction menée par le juge Jean-Michel Gentil et son usage du "témoignage impossible et mensonger" de Claire Thibout, ex-comptable de la richissime héritière du groupe L'Oréal, principal témoin à charge dans ce dossier d'abus de faiblesse.
- Témoignage par visio-conférence ? -
Dès la reprise de l'audience mardi, avant même de se prononcer sur la QPC, le président Roucou a demandé qu'une expertise médicale soit réalisée sur Mme Thibout et son résultat transmis au tribunal d'ici le 1er février, afin de "savoir si son état de santé est compatible avec son audition en sa qualité de témoin" à la barre.
En cas de "réponse négative", le président a demandé que l'expertise détermine également si l'ex-comptable de la milliardaire pourrait témoigner par visio-conférence, ouvrant pour cette audition une fenêtre, entre le 2 et 18 février.
Lundi, l'avocat de Mme Thibout avait fait parvenir au tribunal le certificat médical d'un psychiatre évoquant un état "incompatible" avec le fait de venir témoigner, "pour une durée indéterminée", au grand dam de la défense des principaux prévenus.
Car Claire Thibout, 56 ans, avait au cours de l'enquête accusé François-Marie Banier et Patrice de Maistre d'avoir profité de la fragilité de la milliardaire. Elle a notamment affirmé avoir remis à M. de Maistre 50.000 euros en liquide, qui auraient été destinés à un autre prévenu, le député UMP et ancien trésorier de campagne de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, poursuivi à Bordeaux pour "recel". Ce que ce MM. de Maistre et Woerth nient.
- Lettre au Parquet -
Mais, dans un nouveau rebondissement en novembre dernier, Claire Thibout, visée à son tour par une plainte de François-Marie Banier et Patrice de Maistre, a été mise en examen à Paris pour faux témoignages et attestation mensongère, dans une procédure distincte.
Le dossier jugé à Bordeaux ne repose pas uniquement sur le témoignage de l'ex-comptable, mais des avocats de la défense veulent obtenir le renvoi du procès jusqu'à ce que cette procédure concernant Mme Thibout ait abouti.
Lundi, le procès avait débuté sur un coup de théâtre qui avait glacé le tribunal: l'annonce de la tentative de suicide d'Alain Thurin, ancien infirmier de Liliane Bettencourt, l'un des dix prévenus attendus.
Poursuivi lui aussi pour "abus de faiblesse", Alain Thurin, 64 ans, s'est pendu dimanche, à la veille du procès, dans un bois près de son domicile en région parisienne. Il se trouvait lundi soir à l'hôpital entre la vie et la mort.
Nouvelle surprise mardi matin lorsque le procureur Gérard Aldigé a informé le tribunal que le Parquet avait reçu, le jour même de l'ouverture des débats à Bordeaux, une lettre d'Alain Thurin datée du 24 janvier, la veille de sa tentative de suicide.
Le procureur n'en a pas divulgué le contenu. Il n'a pas non plus évoqué l'existence de lettres antérieures, comme celle datée d'octobre citée par différents médias selon lesquels l'infirmier s'en prenait à d'autres prévenus dans l'entourage de Liliane Bettencourt, accusés d'avoir profité entre 2006 et 2011 de la vulnérabilité de la vieille dame.
Aujourd'hui âgée de 92 ans, la milliardaire, sous tutelle, est la grande absente du procès.
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