Un des procès phare, et fleuve, de 2015 s'ouvre ce lundi à Bordeaux, qui voit dix personnes, dont un ancien ministre de l'ex-président Nicolas Sarkozy, jugés en correctionnelle, soupçonnés d'avoir profité de la vulnérabilité de Liliane Bettencourt, la richissime nonagénaire héritière de L'Oréal.
Des dons manuels ou libéralités de millions, de dizaines de millions d'euros, de faramineux contrats d'assurance-vie, des donations de tableaux, d'oeuvres d'art, de mobilier: le procès, sur cinq semaines, va placer un rare coup de projecteur sur les coulisses, les us et rivalités dans l'hôtel particulier de la 11e fortune mondiale à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Dossier tentaculaire aux mutiples tiroirs et rebondissements, l'affaire dite Bettencourt a démarré il y a huit ans comme un conflit familial, qui vira un temps au dossier politico-financier, avec la retentissante mise en examen en 2013 d'un ancien chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, sur fond de soupçons de financement de campagne électorale. Depuis, il a bénéficié d'un non-lieu.
- Milliardaire absente, son expertise au centre -
Son ancien ministre du Budget puis du Travail Eric Woerth figure parmi les prévenus, un "oublié du non-lieu", proteste son avocat. Celui qui fut trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 est poursuivi pour recel d'une somme qu'il aurait reçue au début de cette année-là -- ce qu'il nie -- de Patrice de Maistre, ex-gestionnaire de fortune et homme de confiance de Liliane Bettencourt.
Les dix hommes jugés à Bordeaux comparaissent pour des faits présumé d'"abus de faiblesse", "abus de confiance", "blanchiment" ou "recel" au détriment de la vieille dame. La peine maximale encourue est de cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende.
Au premier rang des accusés, le photographe François-Marie Banier. C'est par une plainte le visant, déposée fin 2007 par Françoise Bettencourt-Meyers, fille unique de l'héritière du groupe de cosmétiques L'Oréal, que l'affaire avait démarré. Il est soupçonné d'avoir profité des largesses de plusieurs centaines de millions d'euros de Liliane Bettencourt, montants à la fois énormes et dérisoires au regard de la fortune de celle-ci (plus de 30 milliards d'euros -- 34,5 milliards de dollars -- selon le magazine américain Forbes).
Autre prévenu vedette, Patrice de Maistre -- qui passa 88 jours en détention provisoire en 2012 -- soupçonné lui aussi d'avoir profité de la faiblesse de la milliardaire, alors qu'elle souffrait de sénilité depuis septembre 2006, selon une expertise psychiatrique dont les termes devraient être fortement débattus au procès.
Réconciliée avec sa fille fin 2010, la milliardaire, aujourd'hui âgée de 92 ans, affaiblie, et depuis trois ans en retrait de la scène publique, sera la grande absente du procès sur de présumés abus de faiblesse à son détriment.
- Feu d'artifice procédural annoncé -
Les deux premières journées devraient donner lieu à un "feu d'artifice procédural", indique-t-on de source judiciaire, avec demandes de nullité, de renvoi du procès, question de constitutionnalité.
En décembre, lors d'une réunion "technique" préparatoire autour du juge Denis Roucou, qui présidera les débats, plusieurs avocats de la défense ont exprimé leur intention de demander un renvoi du procès, en invoquant la mise en examen (à Paris dans le cadre d'une procédure distincte) pour faux témoignages de Claire Thibout, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, principal témoin à charge dans ce volet "abus de faiblesse".
La "saga" Bettencourt avait débuté en décembre 2007 avec la plainte de Françoise Bettencourt-Meyers à Nanterre contre François-Marie Banier, intime de sa mère depuis des années, qu'elle soupçonnait d'abus de faiblesse. A l'appui de sa plainte, des enregistrements clandestins réalisés au domicile de Liliane Bettencourt par le majordome, Pascal Bonnefoy.
Ces écoutes-pirates, réalisées en 2009 et 2010, en partie divulguées dans la presse, révéleront d'autres faits donnant lieu à l'ouverture d'enquêtes en cascade et alimentant ce feuilleton politico-financier hors normes. Elle mettra notamment au jour des comptes en Suisse ou une île seychelloise discrètement acquise par la milliardaire. Qui fit en 2011 l'objet d'un redressement fiscal de grande ampleur.
Deux autres volets de l'affaire Bettencourt seront jugés à Bordeaux dans les mois prochains: un volet "trafic d'influence", du 23 au 25 mars, dans lequel sont renvoyés Patrice de Maistre et Eric Woerth, et un volet "violation du secret professionnel", où comparaîtra les 8 et 9 juin la juge d'instruction de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez. Dans un autre volet pour "atteinte à la vie privée", l'ex-majordome Pascal Bonnefoy et cinq journalistes comparaîtront à une date encore indéterminée.
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