Avec 128 faits recensés en deux semaines, soit presque autant que pour toute l'année 2014, les actes antimusulmans "ont atteint un sommet dans la haine" depuis l'attentat contre Charlie Hebdo, se désole l'Observatoire national contre l'islamophobie, qui appelle vendredi la classe politique à réagir.
Cette instance dépendant du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui établit ses chiffres sur la base des plaintes déposées auprès de la police et de la gendarmerie, a fait état de 128 actes antimusulmans entre le 7 et le 20 janvier (33 actions, visant notamment des lieux de culte, et 95 menaces, dont des insultes).
Il n'y en avait eu que cinq de plus, soit 133, pour tout 2014. Et encore, note l'observatoire, les chiffres des derniers jours "ne tiennent pas compte des actes perpétrés dans Paris et sa (petite) couronne", qui comptent 250 mosquées et lieux de culte parmi les quelque 2.300 à 3.000 de France. Les chiffres de la capitale et des trois départements qui l'entourent ne sont pas encore disponibles.
Depuis les attentats parisiens des 7 au 9 janvier, perpétrés par des jihadistes français se réclamant de l'islam mais condamnés fermement par les instances musulmanes, "les actes islamophobes ont atteint un sommet dans la haine à l'égard des Français de confession musulmane jamais enregistré", affirme le président de l'observatoire, Abdallah Zekri.
"C'est la première fois qu'il a été enregistré des jets de grenade ou des tirs par arme à feu", souligne ce délégué de la Grande Mosquée de Paris. De fait, quelques heures après l'attentat contre Charlie, trois grenades d'exercice, dites à plâtre, avaient été lancées contre une mosquée au Mans. Dans l'Aude, un ou plusieurs coups de feu de "pistolet à grenaille" ont été tirés vers une salle musulmane à Port-la-Nouvelle. Et vendredi, un ex-légionnaire a été interpellé après avoir menacé de "faire exploser" la mosquée de Carcassonne.
- 'Des paroles aux actes' -
"Ces actions à l'encontre d'une partie de la communauté nationale, provoquées par de petits nazillons qui passent leur temps à fleurir les murs de nos mosquées avec des slogans nazis, nous rappellent un triste passé et sont condamnables", martèle Abdallah Zekri.
Le président de l'Observatoire contre l'islamophobie juge "désolant" qu'"en dehors des condamnations" émises par l'exécutif, la "classe politique n'ait pas dénoncé ces actes ignobles ni apporté un soutien rassurant à l'égard des citoyens, musulmans certes, mais membres de la communauté nationale".
Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), une association distincte du CFCM et qui a une conception des actes antimusulmans élargie aux éventuelles discriminations émanant de l?État (policiers, enseignants) et à des faits n'ayant pas débouché en plaintes, "salue" également les appels de François Hollande et Manuel Valls à refuser les "amalgames" associant l'islam au jihadisme. "Mais il faut passer des paroles aux actes, et prendre des mesures pour éviter les représailles contre les citoyens de confession musulmane", dit à l'AFP sa porte-parole Elsa Ray.
"Il est essentiel de lutter contre l'islamophobie pour maintenir la cohésion nationale et endiguer les frustrations", ajoute-t-elle, précisant avoir calculé un nombre d'actes conforme, "une fois n'est pas coutume", au chiffre de l'Observatoire contre l'islamophobie.
"Ce qui se passe depuis les attentats est le miroir de ce qui se produisait avant, mais multiplié par quatre ou cinq", poursuit la jeune militante, qui évoque le cas d'étudiantes voilées à l'université "prises à partie par une enseignante" sur le thème "vous voyez où ça nous mène vos conneries".
La lutte contre l'islamophobie, un terme contesté dans certains cercles intellectuels, est toutefois jugée un peu moins prioritaire (80%) par les Français que celle contre l'antisémitisme (88%) et même que le combat "contre les paroles et les actes antiblancs" (88% également), selon un sondage CSA publié vendredi par le site internet Atlantico (étude auprès de 1.000 personnes interrogées du 20 au 22 janvier par internet, constituant un échantillon national représentatif sur les 18 ans et plus, selon la méthode des quotas).
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