Le Conseil constitutionnel a validé vendredi la déchéance de la nationalité française d'un jihadiste franco-marocain condamné pour terrorisme, en jugeant "conformes à la Constitution" les dispositions du code civil contestées par son avocat.
Cette décision était très attendue, notamment par le gouvernement qui entend utiliser cette mesure dans l'éventail des outils de lutte contre le terrorisme, comme l'a rappelé mercredi le Premier ministre, Manuel Valls.
"Une question légitime se pose sur les conséquences auxquelles on s'expose quand on décide de s'en prendre à la Nation à laquelle on appartient, soit parce qu'on y est né, soit parce qu'elle vous a accueilli", a expliqué le chef du gouvernement devant la presse.
Pour les jihadistes étrangers, M. Valls a précisé que 28 expulsions administratives avaient eu lieu ces trois dernières années. Pour les jihadistes français, il a annoncé "une réflexion transpartisane" sur la réactivation de la peine d'indignité nationale. Et, pour les bi-nationaux, il avait rappelé que cette décision du Conseil constitutionnel était attendue.
Ahmed Sahnouni, né à Casablanca en 1970 et naturalisé français le 26 février 2003, avait été condamné en mars 2013 à sept ans de prison pour avoir organisé une filière de recrutement au jihad vers l'Irak, l'Afghanistan, la Somalie et la zone sahélo-saharienne. Il s'est vu retirer sa nationalité française le 28 mai par un décret cosigné par Manuel Valls, et le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Son avocat, Nurettin Meseci, avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant deux dispositions de l'article 25 du code civil qui prévoit qu'un "individu ayant acquis la nationalité française peut" en être déchu par décret, notamment s'il a été condamné pour "un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme".
Cette mesure a été utilisée huit fois depuis 1973. Elle est cependant interdite dans le cas des personnes qu'elle rendrait apatrides et ne concerne pas les bi-nationaux nés avec la double nationalité.
Pour être définitive, la déchéance de nationalité d'Ahmed Sahnouni doit encore être validée par le Conseil d'Etat.
- 'Faits d'une gravité toute particulière' -
Devant le Conseil constitutionnel, Me Meseci avait plaidé le 13 janvier une "rupture d'égalité" entre Français de naissance et Français naturalisés, introduite selon lui par le texte.
Il avait également dénoncé une "disproportionnalité" d'un texte qui a fait passer en 2006 de dix à quinze ans les deux périodes pendant lesquelles peut être prononcée une déchéance de nationalité, après son acquisition et après la commission des faits terroristes pour lesquels l'individu aura été condamné.
Il a enfin critiqué "un détournement de procédure" visant selon lui "à expulser son client vers le Maroc, où il risque d'être condamné à vingt ans de prison" pour les mêmes faits. Jusqu'alors, cette extradition était impossible, la France n'acceptant pas de remettre ses nationaux aux autorités d'un pays étranger.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel relève, comme il l'avait déjà fait en 1996 dans un autre dossier, "que les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation, mais que la différence de traitement instituée dans le but de la lutte contre le terrorisme ne viole pas le principe d'égalité".
Il a également jugé "conforme à la Constitution () l'extension des délais opéré en 2006" en relevant que "le délai de 15 ans entre l'acquisition de la nationalité française et les faits reprochés ne concerne que des faits d'une gravité toute particulière".
"D'autre part, eu égard à cette gravité toute particulière que revêtent par nature les actes de terrorisme, le Conseil a jugé que les dispositions contestées instituent une sanction ayant le caractère d'une punition qui n'est pas manifestement hors de proportion avec la gravité de ces actes et qui ne méconnaît pas les exigences de l'article 8 de la déclaration de 1789" sur l'obligation de la loi d'établir "des peines strictement et évidemment nécessaires", écrivent les Sages dans un communiqué.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.