La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé jeudi des rachats massifs de dette, notamment de dette publique, qui s?élèveront au total à plus de 1.000 milliards d'euros, une action inédite destinée à contrer le risque de déflation et à stimuler l'économie de la zone euro.
Le conseil des gouverneurs "a décidé de lancer un programme élargi de rachats d'actifs" publics et privés, a annoncé M. Draghi lors de sa conférence de presse à Francfort, lançant une offensive monétaire très attendue face à la faiblesse récurrente de l'évolution des prix en zone euro.
Ce programme à raison de 60 milliards d'euros par mois sera mené au moins "jusqu'à fin septembre 2016" et "en tout état de cause jusqu'à ce que nous voyions un ajustement pérenne dans la trajectoire de l'inflation, conformément à notre objectif d'atteindre un taux d'inflation inférieur mais proche de 2%", a dit le président de la BCE.
Au total, cela représente donc au moins 1.140 milliards d'euros d'actifs qui vont être rachetés.
La grande majorité de ces rachats sera mis en oeuvre par les banques centrales nationales des 19 pays de la zone euro, et seuls 20% des titres achetés seront soumis à un partage des risques, dont les pertes éventuelles seront assumées in fine par tous les contribuables de la zone euro. Pour les 80% restant, chaque banque centrale nationale achètera des titres de son pays et en supportera les risques.
Version moderne de la planche à billets, un tel programme dit d'"assouplissement quantitatif" est souvent désigné par son acronyme anglo-saxon "QE".
Déjà utilisé par la Banque centrale du Japon et la Fed américaine, il consiste à injecter des liquidités pour peser sur les taux d'intérêt, afin de relancer l'activité économique par le biais du crédit, et faire remonter les prix.
Attendue depuis des semaines, l'annonce de la BCE n'a pas suscité de remous significatifs sur les marchés, même si l'euro est reparti à la baisse face au dollar peu après l'annonce.
"La BCE a répondu aux attentes mais cela ne sera pas la panacée", a commenté Jonathan Loynes, économiste chez Capital Economics, estimant notamment que le partage des risques pourrait réduire le bénéfice du programme pour les pays européens fortement endettés.
Mario Draghi a lui assuré que ces rachats de dette allaient contribuer à tirer les prix vers le haut, avec une inflation qui devrait "progressivement augmenter plus tard en 2015 puis en 2016".
Les gouvernements appelés à agir
Le président de la BCE a néanmoins enjoint les gouvernements de la zone euro et la Commission européenne à ne pas se reposer sur la politique monétaire, et à agir de leur côté pour soutenir l'économie.
"La politique monétaire peut créer les bases pour la croissance, mais pour que la croissance s'affermisse il faut de l'investissement", et c'est aux politiques d'en favoriser les conditions, a-t-il estimé.
Cet éventuel relâchement des efforts des gouvernements à mettre en place des réformes peu populaires est d'ailleurs l'une des inquiétudes de Berlin, qui s'est finalement résigné à contre-coeur à ce programme de QE au nom de l'indépendance de la BCE.
Depuis des semaines, M. Draghi ne ménageait pas ses efforts pour convaincre de la nécessité d'une action de grande ampleur.
"Ce n'est pas comme si nos possibilités étaient infinies", avait-il récemment fait valoir.
Le principal taux directeur de l'institution est déjà à son plus bas historique, un niveau de 0,05% auquel il a été confirmé jeudi, et les autres mesures que la BCE a adoptées - prêts géants aux banques européennes, rachats de certains produits financiers - n'ont pas suffi à ce stade à faire remonter les prix.
L'institution vise une hausse des prix légèrement inférieure à 2%. Or en décembre, l'inflation en zone euro est passée en territoire négatif (-0,2%), une première depuis 2009, essentiellement sous l'effet de la chute des cours du pétrole, faisant grandir les craintes de déflation et sa spirale de baisse prolongée des prix et des salaires.
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