La Cour suprême des Etats-Unis a autorisé la barbe en prison, en se prononçant mardi à l'unanimité en faveur de la liberté religieuse au détriment des préoccupations de sécurité.
La plus haute juridiction du pays s'est rangée du côté d'un prisonnier musulman, en lui permettant de porter une courte barbe au nom de ses convictions religieuses, ce que sa prison de l'Arkansas (sud) lui refusait.
Dans une décision prise à l'unanimité, les neuf juges suprêmes ont conclu que "le libre exercice de la religion est lourdement entravé" par les autorités pénitentiaires lorsqu'elles interdisent à un prisonnier de porter la barbe.
Après avoir été débouté par les tribunaux inférieurs, Gregory Holt, alias Abdul Maalik Muhammad, qui purge une réclusion à perpétuité pour violence domestique dans l'Arkansas (sud), avait fait appel à la Cour suprême.
Il réclamait le droit de porter une barbe d'un centimètre, "compromis" selon lui entre la longue barbe que requiert sa religion et la barbe d'un demi-centimètre autorisée dans les prisons de cet Etat pour les prisonniers souffrant de problèmes dermatologiques.
Mais l'Arkansas rétorquait qu'un prisonnier peut se servir de cette barbe, même courte, à des fins d'évasion ou pour dissimuler toutes sortes d'objets dangereux ou interdits, comme une lame de rasoir, une carte SIM, une fléchette artisanale ou d'autres armes.
"Il est difficile de croire sérieusement que l'intérêt sécuritaire (de la prison) serait remis en cause en autorisant un prisonnier à porter une barbe d'un centimètre", s'étonne la Cour suprême dans sa décision de 16 pages.
Quarante des cinquante Etats américains, ainsi que le gouvernement fédéral et la capitale Washington, permettent déjà aux prisonniers de porter la barbe si leur foi le requiert, conformément au premier amendement de la Constitution qui garantit la liberté religieuse.
"Qu'autant d'autres prisons permettent aux détenus de porter des barbes et arrivent à assurer leur sécurité porte à croire que (l'Arkansas) peut très bien résoudre ses préoccupations de sécurité par des moyens moins restrictifs", estime la haute Cour.
"Partout où un gouvernement peut tenir compte de la religion, il doit le faire", a résumé le Beckett Fund for Religious Liberty, qui défendait le détenu. "Ce n'est pas seulement une victoire pour un prisonnier de l'Arkansas mais pour tous les Américains qui chérissent la liberté religieuse", a ajouté un de ses avocats Eric Rassbach.
- Moustache et cheveux longs -
Tout en reconnaissant "l'intérêt sécuritaire" d'une prison, les neuf juges suprêmes, dont six sont catholiques et trois juifs, se prononcent ainsi, comme à leur habitude, nettement en faveur de la liberté religieuse.
Ils concluent que les autorités de l'Arkansas violent ici la loi fédérale protégeant les pratiques religieuses.
La prison le force à choisir entre "adopter une conduite qui viole gravement sa croyance religieuse et contrevenir au règlement qui régit l'apparence physique et risquer une action disciplinaire", écrit le juge Samuel Alito, dans le jugement de la Cour.
Il note que les prisonniers peuvent porter une moustache et les cheveux longs. Alors pourquoi se focaliser sur une courte barbe qui de toutes façons ne peut pas "retenir le moindre objet" dangereux.
Si la prison a tout intérêt à "réguler les objets de contrebande", elle n'a pas prouvé qu'autoriser une barbe d'un centimètre représentait un danger, "particulièrement en raison de la difficulté à cacher un objet dans une barbe si courte et l'absence de règlement identique s'agissant de la longueur des cheveux", explique le juge Alito.
Puisqu'on ne demande pas aux prisonniers de se raser la tête, "il est difficile de croire qu'un détenu chercherait à cacher un objet dans une barbe d'un centimètre plutôt que dans des longs cheveux" ou une moustache.
En outre, pour éviter une évasion, il suffit "d'exiger que tous les prisonniers soient pris en photo sans aucune barbe" à leur arrivée, estime encore l'unanimité de la haute Cour.
Les neuf juges avaient examiné cette affaire début octobre. Par le passé, ils se sont déjà prononcés nettement en faveur de la liberté religieuse, comme dans une affaire de prière récitée en début de conseil municipal et dans le cas d'un employeur qui refusait, au nom de ses croyances, de payer l'assurance maladie pour la contraception.
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