Le Sun a opéré en catimini mardi une révolution culturelle saluée par les féministes: le premier tabloïd britannique s'est finalement résolu à abandonner sa pin-up aux seins nus de la page 3 -mythique et controversée- après 44 ans de service.
Avec elle s'évanouit l'une des traditions les plus décriées de Fleet Street, la rue de la puissante presse londonienne, jusqu'à la fin du XXe siècle.
C'est le Times, propriété comme le Sun du groupe News UK du magnat américain Rupert Murdoch, qui a révélé le scoop.
Comme effrayé de sa propre audace, le Sun, pourtant abonné aux titres fracassants, n'a pas formellement confirmé, évoquant même "des spéculations".
Cependant, l'un de ses porte-parole a confirmé au Times que le modèle dénudé désertait l'édition papier, pour migrer sur le site payant du journal, plus confidentiel.
Mardi, "vous trouverez Lucy, originaire de Warwick, sur Page3.com", s'est-il empressé d'ajouter.
- Une playmate en sursis -
La première pin-up --Stephanie Rahn, une Allemande de 20 ans-- a fait son apparition en 1970, un an après le rachat du Sun par Murdoch.
Des milliers d'autres filles ont depuis enlevé le haut. Certaines comme Linda Lusardi ou Samantha Fox ont acquis une notoriété durable. La plupart ont sombré dans l'anonymat.
C'est encore Murdoch qui a signé l'arrêt de mort de la "page 3 girl", dans un tweet sibyllin en février 2013.
"Démodée à mon goût, mais les lecteurs ne semblent pas de cet avis", a lâché le patron de presse, aujourd'hui âgé de 83 ans.
L'année d'avant, un sondage Yougov avait assuré qu'ils étaient encore 61% à plébisciter les modèles topless.
D'évidence, le Sun a suivi à reculons l'exemple du Bild, son pendant allemand, qui a renoncé aux seins nus en Une à l'occasion de la journée internationale de la femme, en 2012.
Le renoncement du tabloïd britannique obéit à un changement sociétal de moeurs, et à un calcul économique.
Le Sun, qui tirait fin 2014 à 2,2 millions d'exemplaire, est en perte de vitesse. Son lectorat mâle traditionnel, issu de la classe ouvrière, a évolué, et le quotidien peine à séduire les femmes. Qui plus est, son exploitation de la nudité est sérieusement ringardisée par la concurrence des magazines masculins et du net, autrement plus délurés.
Les internautes ne se sont pas privés de tourner en ridicule ce cri du coeur d'Helen Flanagan, sacrée Miss "Best Boobs 2014" par le journal populaire: "Mes seins ont enfin la reconnaissance qu'ils méritent".
Un argument abolitionniste suprême l'a emporté. La suppression de "la page 3 girl" dans le Irish Sun, en août 2013, n'a pas engendré d'effondrement du tirage
- Le combat continue -
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