Deux personnes dont une Française, en mission humanitaire en Centrafrique ont été enlevées lundi à Bangui par des miliciens chrétiens anti-balaka mécontents de l'arrestation d'un de leurs chefs, soupçonné d'avoir été un des meneurs des massacres de musulmans en décembre 2013.
Ce premier enlèvement d'un ressortissant français dans le pays depuis le début de la crise en 2013 soulève aussi le problème de l'impunité des exactions commises de part et d'autres, alors qu'Amnesty International avait estimé en décembre que ce problème "alimentait la violence" qui a déjà fait des milliers de morts dans le pays.
Dans un communiqué publié dans la soirée, le Quai d'Orsay a appelé à "libérer au plus tôt" la femme enlevée, soulignant que "la France déplore cet acte contraire au droit humanitaire".
Le ministère français des Affaires étrangères a ajouté que l'ambassade de France à Bangui "est en contact permanent avec l?archevêché de la capitale centrafricaine qui a entamé des discussions avec les ravisseurs".
Cette Française et l'employé centrafricain enlevé en même temps qu'elle, font partie de l'ONG médicale catholique CODIS (Coordination Diocésaine de la Santé). Ils circulaient à bord d'un 4x4, qui transportait des médicaments, lorsqu'ils ont été braqués par un groupe de quatre hommes armés de Kalachnikov lundi matin vers 08H00 locales (07H00 GMT) à Bangui.
"Nous étions trois à bord de notre véhicule en provenance de Damara (70 km au nord de Bangui) où nous étions en mission. Nous avons été arrêtés par un groupe de quatre (miliciens chrétiens) anti-balaka armés de Kalachnikov sortis devant nous sur la route en pleine ville", a raconté Frère Elkana Ndawatcha, un religieux qui conduisait le véhicule.
"Moi, j?ai été relâché après être dépouillé de tout ce que j?avais sur moi dont mon téléphone portable, mes documents bancaires et de l?argent. L?un des ravisseurs a pris ma place au volant pour partir avec le véhicule et mes deux collègues en profondeur du quartier Boy-Rabe", quartier du nord-est de Bangui où les anti-balaka sont puissants, a poursuivi le religieux.
- "Général Andjilo" -
Selon une source proche du dossier, l'enlèvement a été mené par des miliciens anti-balaka, mécontents de l?arrestation de Rodrigue Ngaïbona "général Andjilo", puissant chef anti-balaka arrêté samedi à Bouca (nord-ouest).
Les miliciens ont manifesté leur mécontentement dans le quartier de Boy-Rabe dimanche et lundi.
"Il y a en ce moment une vive tension à Boy-Rabe. Une personne a même été tuée cette nuit (de dimanche à lundi) par balles. Par ailleurs, de nombreux tirs d'armes automatiques ont été entendus toute la nuit et ce matin encore", a déclaré une source policière.
D'autres tentatives d'enlèvement ont eu lieu dimanche, selon des témoignages concordants.
Les anti-balaka sont des milices principalement chrétiennes qui se sont formées pour lutter contre les rebelles, essentiellement musulmans, de la coalition Séléka qui avait pris le pouvoir en Centrafrique en mars 2013 avant d'en être chassée en janvier 2014. Les deux camps sont accusés d'avoir commis de graves exactions.
Amnesty International avait dénoncé en décembre "l'impunité" dont jouissait les responsables des violences.
Le "général Andjilo", qui a été un des principaux chefs anti-balaka à Bangui, avait fui la capitale. Il est notamment soupçonné d'avoir été un des meneurs des miliciens qui ont lancé les massacres de musulmans le 5 décembre 2013 à Bangui.
- "Désordre" -
La coordination du mouvement anti-balaka s'était insurgé dimanche de cette arrestation: "le mouvement populaire anti-balaka, qui s?est transformé en parti politique, a amorcé le processus des consultations à la base et de la réconciliation", avait déclaré Igor Lamaka, porte-parole du mouvement anti-balaka dimanche.
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