Les traits tirés, Denis ôte son treillis, sa chapka et plonge dans l'eau glacée d'un lac de Donetsk pour célébrer l'Epiphanie orthodoxe. Habituellement au front où il combat les forces ukrainiennes, ce rebelle prorusse a obtenu lundi, pour l'occasion, une permission de trois heures.
"Je me baigne pour que mon corps et mon âme soient protégés de la guerre", lance-t-il, entouré d'une dizaine de ses compagnons de guerre et de prêtres orthodoxes venus bénir les eaux.
L'an dernier, cet homme de 31 ans travaillait encore dans le BTP. Mais aujourd'hui, il a pris les armes pour s'opposer au "pouvoir du Maïdan", du nom du mouvement populaire qui a abouti l'an dernier au renversement des autorités prorusses à Kiev.
"L'an prochain, pour la prochaine Épiphanie, je pense qu'on aura vaincu la junte de Kiev", nom donné par les médias russes au gouvernement pro-occidental ukrainien, ajoute-t-il, avant de repartir aussitôt sur la ligne de front.
Lundi, de nombreux combattants de la République populaire autoproclamée de Donetsk (DNR) ont laissé de côté, pour quelques minutes, leurs armes afin de s'immerger, comme le veut la tradition, par trois fois - au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit - dans les lacs gelés de Donetsk, bastion des rebelles prorusses.
Certains étaient venus en famille, d'autres avec des membres de leur bataillon pour participer à ce rituel commémorant le baptême du Christ dans le Jourdain.
"Je célèbre l'Epiphanie depuis 15 ans. Cette année, ce n'était pas une décision facile à prendre car on peut nous tirer dessus à n'importe quel moment", lance Andreï, un autre rebelle, la quarantaine.
"Mais je ne peux pas ne pas respecter la tradition", ajoute-t-il, évoquant cette cérémonie qui a lieu chaque année à partir de minuit dans la nuit du 18 au 19 janvier.
- Baignade au son des bombes -
Tandis que combattants et civils sautent dans l'eau, quelques bombardements se font entendre. Des chars et d'autres véhicules militaires passent non loin. Ils sont applaudis par les baigneurs.
Quelques hommes en uniforme de cosaque russe sont également présents pour l'occasion. "On ne savait pas si on devait venir car c'est la guerre. Mais on s'est dit qu'il fallait montrer qu'on est toujours là, qu'on tient le coup", explique l'ataman (le chef) Vadim Kotsilov, 66 ans.
"On ne doit pas avoir peur", ajoute-t-il.
En dépit d'une trêve instaurée le 9 décembre, des combats acharnés entre l'armée ukrainienne et les rebelles ont progressivement repris il y a une dizaine de jours dans l'est de l'Ukraine.
Lundi, le centre de Donetsk a de nouveau été touché par des tirs.
"D'habitude, je célèbre l'Epiphanie dans le lac Karlovské", à une quarantaine de kilomètres de Donetsk. "Mais cette année, les lieux étaient inaccessibles (en raison des combats, ndlr). Donc je suis venu ici", explique Sergueï Khomiako.
Cet ouvrier de 30 ans, qui n'a pas rejoint les forces armées de la DNR, explique s'être déplacé comme tous les ans pour "se laver de ses péchés".
L'immersion au moment de l'Epiphanie est en effet censée purifier, et certains considèrent aussi que ces baignades glacées renforcent l'organisme.
Son ami Sacha Tatarinov, 28 ans, se dit, quant à lui, "étonné" de voir une centaine d'habitants des environs réunis sur les bords du lac : "Je ne m'y attendais pas. C'est la guerre quand même".
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