Sur un mur de briques s'étale un graffiti géant "Je suis Charlie" dessiné en lettres d'argent: à Londres, des artistes ont pris leurs bombes de peinture pour défendre la liberté d'expression, et rendre hommage aux victimes des attentats de Paris.
Bienvenue à Shoreditch, quartier de l'est londonien peuplé de maisons basses, de vieux entrepôts, de galeries d'art et de disquaires, offrant un contraste saisissant avec les tours de verre et de métal de la City voisine.
Shoreditch, c'est un haut lieu du street art, "La Mecque" de la discipline selon certains, un territoire illimité ou presque pour les graffeurs qui ont transformé ses trottoirs, bancs, bouches d'égout, façades, parois, palissades, bref toute surface à peu près plane susceptible d'être recouverte à la bombe de peinture, en immense cahier de coloriage.
Et c'est ici, sur un mur longeant Sclater Street, bout de rue déjà largement relooké de fresques picturales urbaines exubérantes, qu'est apparu un graffiti "Je suis Charlie" d'une dizaine de mètres de long, en lettres capitales argentées, quelques heures après l'attaque meurtrière contre le journal satirique.
Aux côtés de l??uvre figure un dessin d'une main écrivant dans un c?ur "Freedom of speech" ("Liberté d'expression").
-Un portrait de Charb made in London-
A quelques encablures, sur Fashion Street, on trouve un grand portrait en noir et blanc de Stéphane Charbonnier, dit "Charb", une des victimes de l'attentat.
"Stéphane Charbonnier () représentait la liberté d'expression et il a été tué pour cette raison", dit à l'AFP "Furia ACK", auteur de ce portrait réalisé en six heures avec trois litres de peinture.
L'artiste avait peint de la même manière Naji al-Ali, défunt maître palestinien de la caricature, abattu à Londres en 1987.
Cependant, le portrait de Charb a été partiellement vandalisé, et l'inscription "Je suis Charlie" grossièrement recouverte de peinture jaune.
"Il semblerait que ce soit un acte ciblé", s'emporte Furia ACK.
"On m'a dit que quatre types en capuche avaient fait ça à la va-vite. Et, vue l'absence de technique, il est raisonnable de penser qu'il s'agit d'amateurs, et pas d'artistes à la conquête de murs pour dessiner", une pratique courante dans un milieu où les uns recouvrent les ?uvres des autres.
Au nord du quartier, "Mr Shiz" a dessiné avec 15 bombes de peinture une grande main tenant un crayon. Il vise à dénoncer là-aussi les "atteintes" à la liberté d'expression, explique cet artiste français installé depuis plusieurs années dans la capitale britannique.
-Protester: dans l'ADN de Shoreditch-
En flânant dans les rues de Shoreditch, on tombe aussi sur des hommages plus discrets: ici un petit "Je suis Charlie" tagué en noir; là, sur les panneaux métalliques d'un pont, des inscriptions "I am Charlie" et "Ich bin Charlie".
Voir ce type de graffitis à Shoreditch "n'a rien d'une surprise", explique Lily, guide de street art pour la société "Alternative London".
"Le street art, c'est un reflet de la société, et les artistes ont toujours réagi à l'actualité", développe cette jeune femme incollable sur l'histoire locale. "C'est aussi le rôle du street art d'interpeller. Banksy par exemple (figure de proue du street art, ndlr) le fait très bien pour faire réagir les gens".
Si la société de consommation fait souvent les frais des graffeurs, le pouvoir politique en prend aussi régulièrement pour son grade.
Un impressionnant "Brûle en enfer Maggie!!" avait ainsi été tagué dans la capitale britannique après le décès en 2013 de Margaret Thatcher, Premier ministre de 1979 à 1990, très critiquée pour sa politique d'austérité.
"Je dessine des jolies femmes mais aussi des choses politiques, sur l'Ukraine ou encore la Palestine", explique Charles Uzzell Edwards, alias "Pure Evil", auteur d'un graffiti "Les crayons sont plus forts que les balles" légendé d'un "#JesuisCharlie".
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