Au moins huit églises incendiées, appel aux expatriés à "éviter toute sortie": des manifestations violentes embrasaient samedi la capitale nigérienne Niamey contre la publication de la caricature de Mahomet dans l'hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo, au lendemain d'un "vendredi noir" dans la ville de Zinder.
Des manifestations spontanées - pneus incendiés à des carrefours - se tenaient également à Maradi, une ville située entre Niamey et Zinder, la deuxième ville du Niger, où des manifestations anti-Charlie Hebdo ont déjà dégénéré en émeutes vendredi, faisant 4 morts et 45 blessés.
Face à ces débordements, une vingtaine d'oulémas, des théologiens musulmans, ont appelé au retour du calme dans les rues de la capitale. "N'oubliez pas que l'islam est contre la violence", a rappelé le prédicateur Yaou Sonna à la télévision publique.
Le correspondant de l'AFP à Niamey a recensé huit églises brûlées, pour la plupart des lieux de culte évangéliques, toutes sur la rive gauche du fleuve Niger. Certaines siégeaient dans de petites villas, sans aucune signe religieux distinctif.
Des manifestants se dirigeaient samedi après-midi vers la rive droite de la capitale, où se trouvent d'autres églises.
Des nombreux bars, hôtels, débits de boisson ou commerces divers appartenant à des non-musulmans ou tenant enseigne pour des entreprises françaises, ont également été détruits.
Une source sécuritaire dénombrait six groupes de 200 à 300 protestataires semant le chaos dans Niamey, armés de gourdins, de barres de fer ou de pioches.
En fin de matinée, un millier de jeunes s'étaient réunis près de la grande mosquée de Niamey, en dépit de l'interdiction du rassemblement par les autorités, aux cris de "A bas la France", "A bas Charlie Hebdo" ou encore "Allah Akbar" (Dieu est grand).
L'édifice avait été encerclé par quelques dizaines de policiers anti-émeute munis de casques et de boucliers, qui ont dispersé les manifestants à coup de gaz lacrymogènes.
"On va tout casser. Nous protégeons notre prophète. Nous allons le défendre même au péril de notre sang", a déclaré un manifestant, une grosse pierre à la main.
Les violences se sont ensuite étendues à plusieurs autres quartiers du centre de la capitale, dont celui de la cathédrale, protégée par une centaine de policiers anti-émeute. "Ils n?ont pas eu le temps d'y mettre le feu", a confié un policier nigérien à l'AFP.
- PMU saccagés et barricades -
Plusieurs agences de l'entreprise française Pari mutuel urbain (PMU) et des kiosques publicitaires de l'opérateur téléphonique français Orange ont été saccagés. Des lambeaux des kiosques étaient utilisés comme matériau de barricades.
"Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie", a déclaré à l'AFP un mécanicien chrétien ouest-africain, retranché dans son atelier avec ses ouvriers, tout en regardant à travers les orifices d'une fenêtre fermée des manifestants démolir un kiosque en face de son commerce.
L'ambassade de France à Niamey a invité ses ressortissants sur place à "éviter toute sortie" tandis que les membres de l'ONU étaient appelés à se tenir à l'écart de "tout attroupement" dans la capitale. Les autorités consulaires recensaient 1.648 Français installés au Niger fin 2013..
En fin d'après-midi samedi, aucun bilan sur d'éventuelles victimes n'était disponible et les officiels nigériens ne s'étaient pas encore exprimés.
Vendredi, le Centre culturel franco-nigérien avait été incendié à Zinder et trois églises saccagées dans cette agglomération proche du nord du Nigeria, où le groupe islamiste Boko Haram ne cesse de multiplier les massacres et d'étendre son contrôle sur des zones entières dans le nord-est du pays.
Réagissant sur les violences survenues à Zinder, le gouvernement de Niamey avait lancé une mise en garde : "Nous n'accepterons pas que la chienlit s'installe", avait averti vendredi soir le ministre de l'Intérieur Hassoumi Massaoudou sur les ondes de la radio publique.
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