L'armée tchadienne faisait mouvement vendredi vers le Cameroun voisin pour livrer bataille aux islamistes armés de Boko Haram, accusés par Washington et Paris de "crimes contre l'humanité" après une série d'attaques meurtrières au Nigeria.
Une colonne de plusieurs dizaines de blindés tchadiens a quitté vendredi N'Djamena en direction du sud pour rejoindre le Cameroun, a constaté un journaliste de l'AFP.
Les véhicules ont emprunté le pont enjambant le fleuve Chari pour prendre la route du sud vers Bongor, secteur dans lequel les soldats tchadiens pourraient traverser la frontière camerounaise et se diriger vers l'ouest, en direction du Nigeria.
Quelques heures plus tôt, l'Assemblée nationale tchadienne avait autorisé l'envoi de soldats tchadiens, "en appui aux forces camerounaises et nigérianes engagées dans la guerre contre les terroristes au Cameroun et au Nigeria".
Dans un message lu à l'Assemblée, le président tchadien Idriss Deby Itno a dit vouloir "reconquérir Baga, base principale de la force multinationale. La libération de cette localité (du nord-est du Nigeria), qui constitue l?épicentre de nos échanges économiques, est indispensable à la relance du trafic et à la circulation des biens et des personnes en toute sécurité".
Début janvier, Baga, située sur la rive du lac Tchad, avait été prise par les islamistes armés.
- 1,5 million de déplacés -
Selon Amnesty International, cette attaque est "la plus grande et la plus destructrice" jamais perpétrée par le groupe armé depuis le début de son insurrection en 2009, qui depuis a fait plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés.
Après Amnesty et le secrétaire d'Etat américain John Kerry jeudi, le président français François Hollande a également utilisé le terme de "crime contre l'humanité" pour qualifier les exactions de Boko Haram, déclarant que "ce ne sont plus simplement des femmes qui sont enlevées, c'est déjà suffisamment atroce, ce sont des enfants qui sont massacrés, ce sont des villages, des villes entières qui sont rasées".
"Nous devons soutenir les pays concernés par ces fléaux: le Nigeria, le Cameroun, le Niger, le Tchad", a-t-il dit.
"Nous avons fait la démonstration de l'unité de la communauté internationale face à un ennemi commun (): le terrorisme", a-t-il ajouté, en référence aux attentats de la semaine dernière à Paris (17 morts, une vingtaine de blessés).
La sous-secrétaire générale de l'ONU, Leila Zerrougui, a appelé vendredi à une "réponse régionale", tandis que le président ghanéen, John Dramani Mahama, qui préside actuellement la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), a déclaré espérer parvenir à "un plan d'action spécifique pour en finir avec le problème du terrorisme sur le continent" africain.
"Nous ne pouvons rester là sans rien dire, à attendre les bras croisés que la communauté internationale intervienne, pas quand nos frères et nos soeurs sont massacrés et brûlés dans leurs maisons et dans les rues de leurs villes et leurs villages", a-t-il dit.
L'ambassadeur russe au Cameroun a assuré, après un entretien avec le président Paul Biya, que la Russie fournirait des armes modernes au Cameroun pour combattre Boko Haram.
Des témoignages édifiants continuent d'affluer sur Baga. "Boko Haram a enlevé au moins 300 femmes et nous a détenues dans une école de Baga", déclarait une femme citée par Amnesty dans un communiqué jeudi, sous couvert d'anonymat.
"Ils ont libéré les femmes âgées et les mères et la plupart des enfants au bout de quatre jours, mais ils détiennent toujours les jeunes filles", ajoutait-elle.
Mala Kyari Shuwaram, un chef local de Baga, a fui à Dubuwa, sur la rive tchadienne du lac Tchad où ont afflué 7.500 réfugiés, selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha). Il assure que Boko Haram s'est installé dans la localité.
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