Des poings levés, des larmes et une bonne dose d'irrévérence: plusieurs centaines de personnes ont salué vendredi la mémoire de Charb, patron emblématique de Charlie Hebdo, lors d'une cérémonie d'hommage aux allures de veillée anarcho-amicale.
Neuf jours après l'attaque meurtrière contre l'hebdomadaire satirique, c'est au son de l'Internationale que le cercueil du dessinateur, connu pour son engagement à gauche, a été porté au parc des expositions de Pontoise (Val-d'Oise), où habitent ses parents.
"Mon Charb, mon ami, mon frère. Tu me manques tout le temps. Donne-moi la force de voir le monde meilleur", a dit en larmes Patrick Pelloux, médecin urgentiste devenu pilier du journal, en saluant un homme qui n'avait "même pas peur de mourir".
"Tu dois faire des éoliennes dans ta boîte en apprenant qu'on va avoir 200.000 abonnés. Qu'est-ce qu'on va en faire? J'aurais préféré te garder", a glissé le chroniqueur, accompagné par l'accordéoniste des Têtes Raides.
Charb aurait voulu "que des milliers de Charlie Hebdo surgissent des lycées, des facs, des imprimeries", a assuré le dessinateur Luz, lors d'un hommage mordant et provoc' à son "copain de beuverie". "Je suis Charlie, prouvez-le! Prenez vos crayons, vos papiers, un scan, un ordi.."
Luz, qui signe la couverture du dernier numéro de l'hebdomadaire figurant Mahomet qui pleure, s'est plu à imaginer les dessins qu'aurait pu produire son "vieux pote". "Tu aurais dessiné le Pape, qui nous chie dans les bottes () tu aurais continué à dessiner des couilles, des bites, des chattes et des nichons."
Outre les survivants de l'hebdomadaire et la famille de Charb, Stéphane Charbonnier de son vrai nom, plusieurs responsables communistes assistaient à la cérémonie ainsi que trois minitres, Christiane Taubira (Justice), Najat Vallaud-Belkacem (Education) et Fleur Pellerin (Culture).
- 'Il dessinait rond, mais il pensait aigu' -
Connu pour son humour acerbe mais aussi son engagement à l'extrême gauche, Charb dirigeait l'hebdomadaire satirique depuis 2009. Son portrait figurait dans une liste de personnalités recherchées "mortes ou vives", publiée en 2013 par la revue jihadiste Inspire.
"Tu as été assassiné comme tu le pressentais par nos ennemis de toujours, par des fanatiques, des crétins", a lancé le dirigeant du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, ému et virulent. "Cet homme s'appelle +même pas peur+, cet homme s'appelle +pied de nez+" () Charlie vivra!"
En larmes, le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a appelé à "poursuivre le combat": "Ils ont voulu tuer la culture, répondons par la culture. Ils ont voulu tuer le rire et l'intelligence, répondons par le rire et l'intelligence."
Dehors, des centaines d'anonymes suivaient la cérémonie sur écran géant. "C'était important d'être là, de l'accompagner", assure Harry Lunion, un voisin des parents de Charb. "Charb, je le connaissais un peu, c'était quelqu'un de joyeux, d'ouvert, plein de vie. Il était libre."
Venu "défendre les valeurs" portées par le dessinateur, Patrice Néron, 68 ans, a "pris un coup au moral" avec l'attaque contre l'hebdomadaire. "Ca fait une semaine que je pleure pour un oui ou un non", confie ce lecteur régulier de Charlie, longue chevelure blanche à la Cavanna.
Accompagné d'une fanfare, le cercueil est parti vers le cimetière de Pontoise, où le dessinateur, qui disait ne craindre personne, devait être inhumé dans la stricte intimité.
"Charb était un poète qui chantait avec ses dessins. Il dessinait rond, mais il pensait aigu", avait dit à la tribune l'ancien ministre communiste Jack Ralite. Avant de citer un vers d'Aragon: "Contre le chant majeur, la balle, que peut-elle?"
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