La Suisse a décidé jeudi de ne plus intervenir sur les marchés pour empêcher le franc de trop s'apprécier face à l'euro et au dollar, ce qui a provoqué un séisme sur les marchés boursiers et des devises.
Dans un communiqué laconique publié jeudi matin, la Banque nationale suisse (BNS), en charge de la politique monétaire du pays, a annoncé que le taux plancher du franc suisse, fixé il y a 3 ans à 1,20 CHF pour 1 euro, était abandonné. En outre, les taux négatifs appliqués aux gros dépôts en francs suisses pour décourager les spéculateurs sont alourdis.
Aussitôt, le franc suisse, désormais en roue libre, est parti en flêche et s'est apprécié de près de 30% par rapport à l'euro ou au dollar.
A Londres, le franc suisse s'échangeait ainsi à 10h00 GMT à 0,85 CHF pour 1 euro, au lieu de 1,20 CHF pour 1 euro avant l'annonce de la BNS.
La Bourse suisse a aussitôt accusé le coup et fait un énorme plongeon. Beaucoup d'entreprises suisses, cotées en bourse, sont fortement exportatrices, et la décision de la BNS les place en difficulté pour écouler leurs produits à l'étranger.
A 12h30 locales (11h30 GMT), la Bourse suisse perdait -12,04%. Les plus fortes baisses sont affichées par les valeurs du luxe, telles que Swatch (Breguet, Longines, Tissot) ou Richemont (Cartier, Van Cleef.), dont les produits s'arrachent à l'étranger.
Ces sociétés ont vu leurs actions reculer respectivement de -15,65% et -16,29%. En effet, du fait de la hausse du franc suisse, leurs produits sont devenus plus chers de 20 à 30% pour les étrangers, qui risquent de s'en détourner.
- Les frontaliers grands gagnants -
Le Suisse moyen en revanche s'est réjoui de cette mesure. Comme cette quadragénaire qui montrait fièrement son reçu bancaire, montrant qu'elle a reçu plus de 300 euros en échange de 300 francs suisses quand elle s'est précipitée dans sa banque, pour changer des francs pour des euros.
"J'ai gagné 60 francs suisses en une seconde", a-t-elle déclaré à l'AFP. Pour obtenir ces mêmes 300 euros, elle aurait dû débourser la veille 360 francs suisses.
Les dizaines de milliers de frontaliers français, italiens ou allemands, qui traversent chaque jour la frontière pour travailler en Suisse, sont les grands gagnants indirects de l'opération. En un instant, leur revenu mensuel a progressé de 30%. "Pourvu que ce taux de change tienne jusqu'à la fin du mois, quand je serai payée", a également déclaré à l'AFP une Française frontalière travaillant à Genève.
Cette décision a pris de court les marchés financiers, surprenant fortement les investisseurs dans la mesure où la BNS avait encore réaffirmé ces derniers jours qu'elle n'abandonnerait pas le taux plancher.
"La Banque Nationale Suisse a choqué les investisseurs", a réagi dans une note Connor Campbell, analyste chez Spreadex, relevant que la réaction avait été "explosive".
"Le marché ne l'avait clairement pas vu venir", a commenté pour sa part Andreas Ruhlmann, analyste chez IG Bank, évoquant un changement "drastique" de politique monétaire.
Selon un autre analyste financier, Benjamin Sasu, la "crédibilité" de la BNS est désormais "entamée".
"Personne ne s?attendait à l?abandon du cours du plancher sans mise en garde préalable", a-t-il déclaré, soulignant les fortes réactions immédiates du marché, qualifiées de "mini-krach".
L'analyste prévoit toutefois que la BNS sera quand même obligée d'intervenir sur le taux de change, en raison de la dégradation de la situation économique dans le pays, avec une croissance atone et des risques de déflation.
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