Le chef de la diplomatie américaine John Kerry est attendu jeudi soir à Paris pour tenter de faire oublier un couac majeur entre deux "vieux" alliés, l'absence à un haut niveau de Washington à la marche historique dimanche contre le terrorisme.
La France est "le plus vieil allié" des Etats-Unis, avait lancé le président américain Barack Obama deux jours après l'attaque sanglante contre le journal Charlie Hebdo - 12 morts dont 7 journalistes. Dimanche, les Etats-Unis n'ont cependant pas jugé utile de se faire représenter à un échelon élevé à une manifestation sans précédent réunissant autour de François Hollande une cinquantaine de dirigeants, israélien et palestinien notamment.
A cet évènement historique, Washington n'était présent que par son ambassadrice, Jane Hartley, une spécialiste du monde de la finance sans expérience diplomatique, qui a récemment pris ses fonctions à Paris.
Adulé par les Français, le démocrate Barack Obama s'était certes rendu à l'ambassade de France à Washington après les attentats pour quelques mots dans un livre de condoléances, comme l'a aussi fait John Kerry, francophile et cousin d'un ex-ministre français.
"Les Etats-Unis sont à vos côtés aujourd'hui et seront à vos côtés demain", avait déclaré le 9 janvier le président américain. Le 11, deux jours après, plus d'1,5 million de Français battaient le pavé à Paris, près de 4 millions au total en France. Outre-Atlantique, une polémique a suivi sur le faible niveau de représentation américaine, contraignant la Maison Blanche à reconnaître piteusement une erreur d'appréciation.
Des questions de sécurité et de logistique ont été évoquées mais elles n'ont pas empêché la présence du Premier ministre israélien, autre dirigeant extrêmement exposé à une éventuelle agression. Et si Barack Obama ne pouvait venir, il pouvait, pour afficher sa solidarité, recourir à son vice-président Joe Biden, demander à John Kerry d'écourter une visite en Inde, ou même solliciter Bill et Hillary Clinton.
En France, les autorités ont adopté un profil bas face au "dédain" supposé du chef de file du monde démocratique mais aussi et surtout de la lutte internationale contre le terrorisme.
- 'Bras d'honneur' -
Les Américains ont peut-être cru que la marche n'était qu'un évènement européen, a confié François Hollande au quotidien Le Parisien, tandis que le Quai d'Orsay se répandait pour assurer que les deux alliés de l'Otan étaient restés en étroite relation tout au long de la tragédie, partageaient les mêmes valeurs, et luttaient ensemble contre la menace jihadiste. Paris est le 2e contributeur aux raids aériens menés sous la houlette américaine contre le groupe Etat islamique en Irak.
A la veille de l'arrivée à Paris de John Kerry, le président français a toutefois jugé utile de déplorer une énième fois que "la communauté internationale" - lire les Etats-Unis - ne soit pas intervenue militairement en Syrie à la fin de l'été 2013 comme le souhaitait la France.
A l'époque, Barack Obama avait placé François Hollande dans une position très délicate en renonçant à la dernière minute d'attaquer le régime de Bachar al-Assad, accusé d'usage de l'arme chimique contre sa population.
Les Français avaient dû illico remettre l'arme au pied et, même si Paris a peut-être mal anticipé les choix américains, cet épisode continue de laisser un goût très amer en France.
Depuis l'arrivée au pouvoir en 2012 de François Hollande, d'autres couacs, plus petits, ont émaillé la relation franco-américaine. Lorsque la France a décidé du jour au lendemain d'intervenir militairement au Mali, elle a pu compter sur une aide logistique américaine précieuse (avions gros porteur). Mais lorsque les Américains ont présenté la facture, les Français ont répondu par "un bras d'honneur", a raconté à l'AFP un responsable français s'exprimant sous anonymat.
Pour redorer le blason américain en France, John Kerry devrait probablement aller au-delà de la simple visite de courtoisie à François Hollande et son homologue Laurent Fabius. Mardi, l'ambassadrice américaine a assisté à l'hommage aux trois policiers tués dans les attentats et a déposé une gerbe de fleurs devant le supermarché kascher dans lequel quatre juifs ont péri sous les balles d'un jihadiste.
Les attentats en France ont fait au total 17 morts et une vingtaine de blessés.
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