Le journal satirique Charlie Hebdo s'arrachait mercredi en France, avec en Une un dessin de Mahomet qui fait des remous dans le monde musulman, alors qu'Al-Qaïda a revendiqué l'attentat qui a décimé sa rédaction.
Dans la matinée, Al-Qaïda au Yémen a annoncé avoir organisé l'attentat. "Des héros ont été recrutés et ils ont agi", a déclaré l'un de ses dirigeants dans une vidéo. "Nous avons choisi la cible, financé l'opération et recruté son chef", a-t-il précisé.
Mais, une semaine après l'attaque destinée à le réduire au silence, Charlie Hebdo se vendait par centaines de milliers d'exemplaires en France et décidait d'en imprimer 5 millions avec une diffusion dans plus de vingt pays.
Les survivants du journal n'ont pas hésité à remettre le prophète Mahomet en couverture, la larme à l??il, tenant une pancarte "Je suis Charlie", un pied-de-nez à ses assassins qui avaient crié après le massacre: "On a tué Charlie Hebdo!"
Comme si Mahomet partageait le mot de ralliement de millions de manifestants qui ont défilé dimanche en France et dans le monde pour la liberté d'expression.
Le journal français, qui se moque de toutes les religions et dessine régulièrement Mahomet, était depuis des années une cible emblématique pour les intégristes.
"Les assassins ont foiré leur coup", a commenté le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, au vu des ventes exceptionnelles réalisées dès l'aube partout en France.
Avant 10 heures, 700.000 premiers exemplaires s'étaient écoulés et les 27.000 points de vente en France étaient en rupture de stock, avec de longues files d'attente et des scènes de foires d'empoigne inédites pour un journal.
Une étonnante revanche pour ce petit magazine d'humour provocateur et sans le sou, qui ne se vendait qu'à 30.000 exemplaires.
D'autant que sa Une a aussi été relayée par de très nombreux médias étrangers, lui donnant une audience mondiale.
Par solidarité ou simple curiosité, dès l'aube les Français ont assailli les marchands de journaux, submergés par la demande.
Pour répondre à un raz-de-marée dépassant toutes ses espérances, Charlie Hebdo a décidé mercredi de porter le tirage de trois à cinq millions d'exemplaires.
Dans une supérette du XXe arrondissement de Paris, des acheteurs se sont glissés sous le rideau de fer dès l'ouverture pour se précipiter sur le rayon journaux, arrachant Charlie des mains du voisin, avec même quelques coups de poing.
A Bordeaux, un impatient s'est rué sur la buraliste au moment de la livraison pour lui arracher un Charlie. "Il m'a agressée, on a dû appeler la police, c'était la foire d'empoigne. C'est exactement l'opposé de l'esprit Charlie", a raconté la buraliste.
Comble du paradoxe, même ses détracteurs l'ont acheté: "Je suis musulman pratiquant et je pense qu?il faut des limites" à la liberté d?expression, dit Farez, la quarantaine, en cachant de la main la caricature de Mahomet à la sortie d'un marchand de journaux à Marseille. "Mais je l?ai acheté".
"J'en avais une centaine, tout est parti en un quart d'heure", relate Danadi, kiosquier à quelques centaines de mètres du siège de Charlie Hebdo. "Les gens l'achètent pour soutenir le titre, ils pensent aussi que ce sera un numéro collector".
Ceux qui ont réussi à se le procurer s'affichent fièrement en photo avec l'hebdomadaire sur les réseaux sociaux. "Je l'ai !!! Après sept librairies", s'exclame ainsi "gregoryherpephotographe" sur Instagram.
Le Premier ministre, Manuel Valls, qui a annoncé mardi "des mesures exceptionnelles" pour détecter les jihadistes, a été filmé avec le journal en mains à la sortie du conseil des ministres.
En même temps, le numéro était proposé à plusieurs milliers d'euros sur eBay.
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