Pas de président, pas de vice-président, pas de ministres: l'extrême discrétion de l'administration Obama lors de la marche républicaine contre le terrorisme dimanche à Paris a surpris. Les médias américains et certains élus s'interrogent. Et dénoncent un regrettable faux-pas.
Preuve d'un embarras manifeste, le secrétaire d'Etat John Kerry a annoncé lundi, depuis l'Inde, qu'il se rendrait à Paris vendredi, dans ce qui ressemble fort à une tentative de rattrapage. "La relation avec la France ne tient pas à un moment ou un jour particulier", a-t-il avancé.
"J'ai probablement été l'un des premiers au monde à avoir parlé aux Français, à avoir évoqué notre effroi et nos liens très très forts avec les Français", a ajouté, visiblement piqué au vif, M. Kerry, francophone et francophile, dont l'absence a été d'autant plus remarquée qu'il n'hésite jamais à faire un crochet par Paris où il s'est rendu une quinzaine de fois depuis qu'il a pris la tête de la diplomatie américaine.
Un cinquantaine de dirigeants étaient présents lors de cette marche à laquelle ont participé - dans une atmosphère à la fois recueillie et joyeuse - un million et demi de personnes venues exprimer leur solidarité avec les victimes d'une série d'attaques qui ont fait 17 morts en trois jours en France.
Le président François Hollande était entouré de son homologue malien Ibrahim Boubacar Keita et de la chancelière allemande Angela Merkel. Le président palestinien Mahmoud Abbas marchait à quelques mètres du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Les Etats-Unis, eux, étaient représentés par leur ambassadrice, Jane Hartley. Le ministre de la Justice Eric Holder, présent à Paris pour une réunion sur le terrorisme, n'a pas rejoint le cortège.
"En tant qu'Américain, j'ai eu honte", a lancé dans un texte publié lundi le journaliste de CNN Jake Tapper, présent à Paris.
"J'imagine qu'il y a toujours le risque pour un dirigeant américain qui participe à un événement comme celui-ci () d'être accusé d'essayer de profiter d'une tragédie", reconnaît-il. "Mais ce n'est pas la façon dont cela aurait été interprété en France".
"Vous avez laissé tomber le monde", a tranché, dans un style plus direct, le New York Daily News, sur une première page où apparaissent, sur fond de foule réunie place de la République, les visages de Barack Obama, du vice-président Joe Biden, de John Kerry et d'Eric Holder.
- "Une erreur" -
Du côté de l'exécutif américain, on souligne que les Etats-Unis étaient présents dimanche à Paris grâce à leur ambassadrice. "Fière de représenter le +people+ américain aujourd'hui aux côtés de nos amis français en deuil", a tweeté cette dernière.
On insiste aussi sur le fait qu'à la Maison Blanche comme dans tous les ministères concernés, les responsables américains ont été en contact permanent avec leurs homologues français depuis la fusillade dans les locaux de Charlie Hebdo mercredi. On ajoute enfin que les exigences de sécurité qui entourent le déplacement du président ou du vice-président sont susceptibles d'être une source de distraction pour un événement de cette nature.
Parmi les élus aussi, des voix s'élèvent pour s'étonner de cette extrême discrétion américaine lors de ce rassemblement historique dans la capitale française.
"Notre président aurait dû y être, car nous ne devons jamais hésiter à être aux côtés de nos alliés", a tranché le républicain Ted Cruz, farouche opposant à Barack Obama.
Le sénateur républicain Marco Rubio, qui pourrait, comme Ted Cruz, se lancer dans la course à la Maison Blanche en 2016, juge aussi que l'administration américaine a fait "une erreur". Comme beaucoup à Washington, il estime que si l'absence de M. Obama peut se comprendre, pour des raisons à la fois de logistique et de sécurité, celle de ses ministres est beaucoup plus difficile à défendre.
Mais certains aussi aux Etats-Unis s'étonnent aussi de l'absence à Paris des candidats - potentiels ou déclarés - à la Maison Blanche, au premier rang desquelles Hillary Clinton, ex-First Lady, ex-sénatrice et ex-secrétaire d'Etat, qui pourrait prochainement annoncer une nouvelle candidature, après son échec lors des primaires démocrates en 2008 face à Barack Obama.
"Hillary Clinton et son mari (Bill) se mordent probablement les doigts de ne pas avoir sauté dans un avion privé pour rejoindre Paris", souligne Jake Tapper. "Vous imaginez Hillary et Bill marchant au premier rang, bras dessus bras dessous, avec Netanyahu et Hollande ?".
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