Dans la pièce "Toxic Psalms" ("Psaumes toxiques"), jouée à New York par une compagnie théâtrale slovène, un choeur explore comment un individu peut être emporté par la violence d'un groupe.
Dans la Grèce antique, le choeur servait à exprimer ce qu'un artiste ne pouvait pas dire seul, et jouait le rôle d'un miroir pour les spectateurs.
La compagnie contemporaine Carmina Slovenica présente cette pièce au festival Prototype de New York, dédié au théâtre et à l'opéra expérimentaux, qui a débuté jeudi et dure jusqu'au 17 janvier.
"Toxic Psalms" met en scène un choeur de 30 femmes, vêtues de toges noires dans un décor qui évoque un monde imaginaire et fait le tour, en une heure et demie, de plusieurs crises du moment, des agressions au nom de la religion jusqu'à la guerre en Syrie.
Réflexion sur l'angoisse spirituelle contemporaine, la pièce présente en musique l'image d'un homme brutal qui agit au nom d'une idée, -- un homme qui tue au nom de ses "psaumes", explique à l'AFP la metteure en scène Karmina Silec.
Le choeur chante les huit morceaux des "Vêpres" de Sergueï Rachmaninov, en référence au groupe féministe punk russe Pussy Riot, qui avait interprété en 2012 une satire musicale et politique dans la cathédrale près du Kremlin, provoquant la colère du président russe Vladimir Poutine et de l'Eglise orthodoxe.
Carmina Slovenica garde cependant une certaine ambiguïté dans le spectacle, où les transitions entre les actes ne sont pas claires. Les chanteurs, eux aussi, n'utilisent pas que des techniques classiques, usant parfois de chants gutturaux.
Pour Mme Silec, il s'agit d'une "chorégie", une pièce vocale qui réunit des musiques différentes parce que porteuse de plusieurs significations.
- Ne pas réduire le texte -
"Parfois nous ne voulons pas réduire le texte, par la musique ou les mots, à une seule interprétation", explique Mme Silec.
"Je préfère que le public fasse l'expérience de son propre voyage, fasse ses propres découvertes. La liberté de l'imagination est très importante", ajoute-t-elle.
"Toxic Psalms", qui a déjà été joué à Berlin, est aussi une expérience pour les acteurs qui ont été encouragés à tester des matériaux de la vie quotidienne.
Le choeur entend permettre au public de devenir part d'un collectif -- une idée chère à Mme Silec compte tenu de l'histoire du communisme dans son pays natal.
Le choeur "représente un corps collectif et symbolise le désir humain de se fondre", explique-t-elle.
"Nous avons joué avec l'idée d'un individu qui interagit avec une foule, et ce qui relève de sa responsabilité".
La dramaturge cite ainsi le concept de "la banalité du mal" développé par la philosophe Hannah Arendt dans son essai sur le procès du criminel nazi Adolf Eichmann, qui n'a pas reconnu sa responsabilité en tant d'individu dans l'Holocauste mais qui a reconnu avoir suivi les ordres au sein d'un groupe.
Mme Silec s'inspire aussi des écrits récents du philosophe slovène Slavoj Zizek, qui affirme qu'un choeur "peut prendre le pouvoir à partir de nous, et expérimenter pour nous nos sentiments et nos comportements les plus intimes et les plus spontanés".
"Toxic Psalms" est une "méditation sur le fait qu'il en faut peu pour transformer une personne totalement innocente en un criminel quand elle est guidée par un pouvoir", explique Mme Silec.
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