De fermes condamnations ont accompagné la publication, samedi en Une de l'hebdomadaire Le Point, de la photo de l'exécution d'un policier par les tueurs de Charlie Hebdo, Manuel Valls ne cachant pas son "dégoût", après trois jours de frénésie médiatique.
En présentant ses v?ux dans son fief électoral d'Evry, le Premier ministre n'a pas mâché ses mots. "Un policier qui faisait son travail a été abattu lâchement. Et je ne vous cache pas mon dégoût qu'un hebdomadaire aujourd'hui sorte avec cette image, celle du policier abattu lâchement par des terroristes", a déclaré Manuel Valls.
Auparavant, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait dénoncé une "atteinte à la mémoire d'un policier disparu dans l'exercice courageux de ses fonctions" par la publication de cette "photographie particulièrement révoltante".
En cause: la Une du Point. Au centre, une photo de petit format montre un homme, cagoulé, vêtu en noir, menaçant d'un fusil à bout portant un policier à terre, qui lève les bras en signe de reddition. En bas de l'image, un autre assaillant de dos. La photo qui n'occupe qu'un sixième de la Une est entourée d'une large bordure noire, avec le titre: "7 janvier 2015, une tragédie historique".
Le ministre de l'Intérieur "renouvelle son soutien à sa famille, à ses proches et à ses collègues, terriblement éprouvés" et appelle "chacun à la responsabilité () dans l'épreuve que la France traverse face à la barbarie terroriste".
Joint par l'AFP, Etienne Gernelle, directeur de la publication de l'hebdomadaire, a défendu ce choix rédactionnel. "C'est précisément parce qu'elle est révoltante, que c'est un lâche assassinat d'un policier qui défendait, non seulement son pays, mais la liberté d'expression, qu'il ne faut pas l'occulter", a-t-il fait valoir.
- Le New York Times aussi -
"La critique est légitime, moi je pense qu'il fallait le faire. D'ailleurs, le New York Times l'a fait aussi en publiant l'image à la Une sur une taille beaucoup plus grosse", a-t-il continué.
Mais cette initiative a également suscité le courroux des policiers. Joint par l'AFP, Frédéric Lagache, secrétaire général du premier syndicat de gardiens de la paix, Alliance, a jugé cette Une "inqualifiable". "Il me semble que nous ne sommes plus dans le droit à l'information légitime mais bel et bien dans le pur sensationnel. Le racolage pour faire vendre."
"Il n'est pas admissible de publier ce genre de photos alors même que la famille police est encore en deuil ! Autant tous les Français devraient acheter le prochain journal de Charlie Hebdo, autant chacun devrait s'abstenir d'acheter celui du Point", a-t-il poursuivi.
L'image de cette froide exécution fut une des plus glaçantes de ces trois jours de tension en France, qui ont dominé l'actualité mondiale. "Cette image, et la vidéo dont elle est tirée, a été diffusée sur les télévisions, même si elle a été retirée très vite, mais on sait qu'elle a circulé sur les réseaux sociaux", a expliqué à l'AFP Philippe Riutort, sociologue et membre du laboratoire communication et politique au CNRS.
"C'est la logique de la société médiatique, la photo étant accessible pour tous, elle sera relayée. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera dans quelques jours, si ce n'est pas Le Point, ce sera par un autre support", a-t-il ajouté.
Mercredi matin, deux hommes vêtus de noir, cagoulés et porteurs d'armes automatique ont tué onze personnes au siège de Charlie Hebdo, dont un premier policier assurant la protection du dessinateur Charb. Puis les tireurs ont déclenché une nouvelle fusillade avec des policiers boulevard Richard Lenoir.
L'un des fonctionnaires en uniforme est touché et se trouve à terre, selon une vidéo diffusée sur internet et authentifiée par les enquêteurs. Les deux malfaiteurs sortent de leur voiture et s'approchent à petites foulées du policier. L'un d'eux lui crie "tu voulais me tuer!". Le policier lève la main et dit "non c'est bon chef", avant d'être abattu d'une balle en pleine tête.
Cette édition du Point est la seconde à paraître cette semaine. Dans son numéro précédent, paru avant l'attentat contre Charlie Hebdo, Le Point avait placé en Une "la vraie vie de Mahomet".
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