Six mois après la crise des festivals de l'été, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé mercredi la sanctuarisation "dans la loi" du régime spécifique des intermittents du spectacle, parmi plusieurs mesures destinées à "sauver et préserver" ce système unique en Europe.
Le Premier ministre s'est très largement appuyé sur les conclusions, rendues le matin même, d'une mission de concertation menée depuis l'été par un trio de "sages", le député socialiste Jean-Patrick Gille, l'ancienne directrice du Festival d'Avignon Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle, ex-directeur général du Travail.
Les représentants des intermittents seront désormais associés à la négociation de leur régime spécifique d'indemnisation, qui sera sanctuarisé "dans la loi", au cours du premier semestre 2015, a annoncé M. Valls. Il s'exprimait aux côtés de Fleur Pellerin (Culture) et François Rebsamen (Travail), juste avant que ne soit connue l'attaque meurtrière contre Charlie Hebdo.
La Coordination des intermittents et précaires (CIP), fer de lance de la lutte qui avait perturbé les grands festivals de l'été, ne sera pas partie prenante des négociations, car ce n'est pas une organisation syndicale, note-t-on dans l'entourage du Premier ministre.
Jusqu'à présent, l'existence des annexes 8 et 10 de la Convention Unedic, qui définissent le régime des intermittents, pouvait être remise en cause à chaque renégociation de l'assurance chômage, qui est gérée exclusivement par le patronat et les syndicats représentatifs au niveau interprofessionnel. Le Medef avait d'ailleurs demandé leur suppression lors de la dernière négociation de la convention adoptée en mars dernier.
Les partenaires sociaux représentatifs du spectacle et de l'audiovisuel seront désormais "invités à négocier les paramètres propres au régime d?indemnisation des intermittents", mais dans un cadre financier fixé par les partenaires sociaux interprofessionnels. Les partenaires sociaux qui négocient habituellement la convention chômage ne seront pas "dépossédés", a assuré M. Valls.
Le Premier ministre a lancé plusieurs signaux clairs aux professionnels de la culture: "dégel" immédiat de la réserve de précaution de 8% sur les crédits de la création du ministère de la Culture et ceux de l'éducation artistique, soit "plus de 40 millions d'euros", augmentation de ces deux budgets "en 2016 et au delà". "Il ne faut pas baisser le budget consacré à la création et la culture dans notre pays", a-t-il assuré.
- "Opération de communication" pour la CIP -
Le Premier ministre a été plus flou sur la principale revendication des intermittents, le retour à une date anniversaire pour le calcul des droits, au lieu du système glissant instauré en 2003. La concertation a mené un gros travail d'expertise avec l'Unedic qui a montré que la mesure n'avait "pas un coût exorbitant", selon Jean-Patrick Gille.
"Si un accord est trouvé par les organisations syndicales et patronales du spectacle et de l'audiovisuel (sur ce sujet), il sera repris dans la convention générale d'assurance chômage", indique Manuel Valls. Mais "en l'absence d'accord, ce sont comme aujourd'hui les partenaires sociaux interprofessionnels qui fixeront les règles".
Autrement dit: la balle est dans le camp des partenaires sociaux. "C'est un pari", a convenu M. Gille.
La première réaction de la CGT Spectacle, au coeur de la lutte des intermittents, est "plutôt positive". "On est au milieu du gué", a indiqué Denis Gravouil, son secrétaire général. "Il faut que le gouvernement mette en oeuvre ce qu'il annonce".
"C'est une grosse opération de communication", lance pour sa part Samuel Churin, porte-parole de la Coordination des intermittents et précaires (CIP). "L'inscription dans la loi ne change rien. Nous voulions une réouverture de la négociation, or elle se tiendra comme convenu en 2016, et les grandes confédérations syndicales signeront comme d'habitude ce qu'elles veulent sur le dos des intermittents", assure-t-il.
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