Le Premier ministre grec Antonis Samaras table sur l?attachement des électeurs à l?Europe et la peur d'une sortie de l?euro pour empêcher une victoire de la gauche radicale Syriza aux législatives du 25 janvier, une stratégie qui avait payé en 2012.
"Certains Grecs n'avaient pas franchi le pas d'un vote Syriza en 2012 et s'étaient abstenus, c'est d'eux dont dépendra le résultat des législatives", estime Christoforos Vernardakis de l'institut de sondage VPRC.
Au printemps 2012, au plus fort de la crise européenne de la dette et des craintes d'une sortie de la Grèce de l'euro, le parti conservateur d'Antonis Samaras, Nouvelle Démocratie, avait emporté des élections législatives très disputées face à Syriza.
Depuis plusieurs mois, Syriza est donné avec une avance de trois à six points dans les sondages. "Ce n'était pas le cas lors des élections de 2012 où la différence était très mouvante avec Nouvelle Démocratie", souligne M. Vernardakis.
"Il va donc falloir qu'Antonis Samaras attire des électeurs supplémentaires, avec un message plus positif que le spectre d'une sortie de l'euro", ajoute-t-il.
Antonis Samaras a fait de cette mise en garde un argument récurrent de sa campagne. Le gouvernement allemand semble partager ses arguments, comme le suggèrent des informations du Spiegel selon lequel Berlin juge "quasiment inévitable" une sortie de la Grèce de l'euro en cas de victoire de Syriza.
Accusée d'exercer des pressions sur les électeurs grecs, la Commission européenne privilégie désormais la prudence: le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a affirmé mardi que la Commission ne prenait "pas position" dans la campagne.
Le vice-président de la Commission chargé de l'Investissement, de la croissance et de l'emploi, Jyrki Katainen, a cependant souligné mardi que les spéculations sur une sortie de la zone euro étaient "une perte de temps". "L'appartenance à la zone euro est irréversible", a ajouté M. Katainen.
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a de son côté mis l'accent sur les engagements de la Grèce: qui "doivent être tenus".
- 'Corée du Nord' -
Après l'échec du parlement à élire un président, qui a rendu inévitables des législatives anticipées, Antonis Samaras a estimé que l'enjeu des élections résidait dans le "maintien du pays dans la zone euro".
Samedi, dans le centre de la Grèce, il a averti que la mise en oeuvre du programme de Syriza, qui souhaite en finir avec la politique d'austérité et négocier une réduction de la dette du pays (177% du PIB prévu pour 2014), "conduirait inévitablement à la faillite".
Même argument lundi: "les Grecs veulent rester en Europe et ils y resteront. On ne va pas déménager en Corée du Nord parce que Syriza le demande". Une large majorité de Grecs souhaitent rester dans l'euro, montrent régulièrement les enquêtes.
Dans la foulée de ces inquiétudes, les places boursières de Paris, Milan et Madrid avaient chuté lundi de plus de 3%. Les bourses asiatiques ont également fléchi mardi. Celle d'Athènes qui a connu un lundi noir (-5,63%) était fermée mardi en raison du jour férié de l'Epiphanie.
"Si Antonis Samaras reste sur ce discours de la peur qui avait fait son effet en 2012, c'est qu'il le pense efficace auprès d'un certain nombre d'électeurs qui ont été les moins touchés par la crise", observe Manolis Alexakis, professeur de sociologie politique à l'Université de Crète.
La Grèce a traversé depuis 2008 six années de récession qui ont vu le chômage exploser et les salaires baisser de 30 à 40%. Elle a connu en 2014 deux trimestres consécutifs de PIB positif qui devraient ramener un rythme positif de croissance sur l'ensemble de l'année (0,6% prévu).
"Mais si le Syriza a mûri, s'il contrôle bien sa campagne, il devrait pouvoir mettre la rhétorique des conservateurs en échec", estime M. Alexakis.
Cette capacité dépendra notamment de celle du parti d'Alexis Tsipras, 40 ans, à présenter un front uni alors que les voix dissonantes ne manquent pas, notamment sur la question du remboursement des 240 milliards d'aides de l'Europe et du FMI dont la Grèce a bénéficié depuis 2010 pour éviter la faillite.
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