Abandonnés dans le froid, livrés au mal de mer et à l'angoisse, les quelque 800 passagers du Blue Sky M ont fuit le conflit syrien dans des conditions épouvantables, avec l'espoir que ce "voyage de la mort" leur offre un avenir meilleur en Europe.
Il n'y a pas si longtemps, Mustafa et Ragda appartenaient à la classe moyenne d'Alep, la capitale économique de la Syrie. Quand le conflit a transformé leur ville en champ de bataille, ils ont rejoint les bataillons de réfugiés aux frontières du pays.
Mais ayant perdu l'espoir de rentrer chez eux ou d'obtenir un visa pour poursuivre leur route, ils ont eu recours aux vendeurs de rêve européen tenant boutique sur internet, qui leur ont promis un voyage sûr pour eux et leurs trois filles de 18, 20 et 30 ans.
"On a payé 6.000 euros chacun, on a versé cette somme en Turquie où nous avons vécu pendant deux mois. Certaines personnes ont vendu des terrains, des maisons ou bien des boutiques, avant de pouvoir se permettre le voyage", explique Mustafa à l'AFP.
"On a bravé de nombreuses tempêtes, il faisait un temps de chien. L'eau suintait du bateau et coulait sur la tête des gens. Le navire chavirait dans toutes les directions", raconte Magda.
"On était en danger et on avait froid. L'eau débordait de partout", ajoute-t-elle.
L'approvisionnement est spartiate, mais peu de passagers s'en préoccupent. "Les gens avaient le mal de mer et vomissaient tout le temps. Personne ne pouvait manger", assure Magda, dont l'une des filles a souffert de problèmes cardiaques en raison du stress.
Des photos prises par leur aînée, enceinte de 7 mois et dont le mari était arrivé en Italie quelques semaines plus tôt, montrent les migrants, allongés par dizaines en rangs serrés dans un amas de couvertures au fond d'une cale rouillée où la lumière traverse un pont délabré.
Des adultes dorment, des enfants discutent, des serviettes tentent de sécher sur un fil.
- 'Comme des prisonniers' -
Après avoir mouillé plusieurs jours au large de la Turquie le temps de faire monter les migrants à bord, le Blue Sky M a longé les côtes grecques et obtenu de s'abriter dans une baie à cause du mauvais temps.
Puis l'équipage s'est volatilisé, en se fondant vraisemblablement parmi les migrants, après avoir réglé le pilote automatique droit vers les côtes italiennes.
Le drame a été évité de justesse par les gardes-côtes italiens, qui ont réussi malgré le mauvais temps à monter à bord pour prendre les commandes et diriger le bateau vers le port de Gallipoli (sud-est), où Mustafa, Ragda et leurs filles sont arrivés avant l'aube du 31 décembre.
Selon les dernières statistiques du ministère de l'Intérieur, cette arrivée porte à plus de 170.000 le nombre de clandestins ayant débarqué comme eux en Italie en 2014, soit une moyenne de 465 par jour.
Comme nombre de ces migrants, Mustafa et Magda comptaient poursuivre la route vers des pays comme l'Allemagne ou la Suède, où les perspectives d'accueil et de travail sont meilleures.
Mais une prise d'empreintes digitales à leur arrivée a établi leur passage par l'Italie, ce qui leur interdit de déposer une demande d'asile politique dans un autre pays de l'Union européenne.
Très en colère contre les autorités italiennes, ils estiment avoir été traités "comme des prisonniers", et continuent de s'imaginer un avenir plus au nord.
En attendant, ils ont été pris en charge au centre d'accueil Farsiprossimo Onlus près de Milan, qui leur fournit un lit, des repas, des vêtements
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