Devenu en deux jours un symbole des discriminations jusque dans la mort, le bébé rom décédé dans l'Essonne au lendemain de Noël a été inhumé lundi dans une commune voisine de Champlan, la bourgade accusée d'avoir refusé de l'accueillir dans son cimetière, ce que conteste son maire.
L'inhumation du petit cercueil blanc s'est déroulée aux alentours de 13H00 au cimetière de Wissous, à sept kilomètres de Champlan.
Deux heures plus tôt, une cérémonie religieuse avait été organisée à Massy. La mère du bébé, recouverte d'un voile blanc, est arrivée en larmes, soutenue par des proches.
Une centaine des personnes étaient présentes: des Roms, des associatifs et des élus, dont le maire UMP de Wissous Richard Trinquier et le président PS du Conseil général de l'Essonne, Jérôme Guedj, qui a expliqué "ne pas se reconnaître" dans "la décision malheureuse" du maire divers droite de Champlan, Christian Leclerc.
"A aucun moment je ne me suis opposé à cette inhumation", a affirmé ce dernier dimanche à l'AFP, après vingt-quatre heures de silence. Il évoque "une erreur de compréhension dans la chaîne de décision" et se dit "laminé" par cette affaire.
Il a envoyé un message de condoléances et d'excuses à la famille, via un communiqué dimanche soir, dans lequel il disait même souhaiter que l'inhumation de la petite fille "puisse avoir lieu dans la commune de Champlan", une proposition rejetée par la famille.
L'indignation autour de cette affaire a enflé tout le week-end, de la part d'élus et d'associations. Certains ont avoué leur "honte", d'autres ont parlé de "racisme".
Interrogé sur France Inter, François Hollande a déclaré refuser que la France "s'en (prenne) à l'autre comme ça s'est passé dans ce cimetière". Le Premier ministre Manuel Valls a évoqué "une injure" à la "mémoire" du bébé décédé, Marine Le Pen un "défaut d'humanité".
Le Défenseur des droits Jacques Toubon, "bouleversé", a annoncé qu'il se saisissait "d'office" et lançait dès lundi des "investigations".
Dans la nuit de dimanche à lundi, la mairie de Champlan a été recouverte de peinture rose et l'un de ses murs a été tagué: "Lecler (sic), Valls, même racisme d'Etat !!". L'inscription a depuis été effacée.
- Propos 'sortis du contexte' -
Selon l'association de solidarité en Essonne avec les familles roumaines et roms (ASEFRR), le bébé, prénommé Maria Francesca, deux mois et demi, est décédé de la mort subite du nourrisson dans la nuit du 25 au 26 décembre, dans le bidonville de Champlan où la famille est installée depuis plus d'un an.
Cette dernière, via une entreprise de pompes funèbres, a demandé l'autorisation à la mairie d'enterrer la petite fille au cimetière municipal, mais a essuyé un refus le 31 décembre, sans "aucune explication", selon Julien Guenzi, le gérant des pompes funèbres Lescarcelle à Corbeil-Essonnes, où le bébé a officiellement été déclaré mort.
"Des réponses comme ça, c'est très rare: deux ou trois par an, mais en général justifiées", précise le professionnel, qui dit avoir parlé au téléphone avec un employé de la mairie.
Le maire, alors en congés selon lui, fait parallèlement valoir ce jour-là au Parisien le "peu de places disponibles" et ajoute que la "priorité est donnée à ceux qui paient leurs impôts locaux". Des propos qu'il ne nie pas mais qu'il a estimé dimanche "sortis du contexte".
Interpellé par une élue, le maire de Wissous a accepté que le nourrisson soit enterré sur le territoire de sa commune. Par "souci d'humanité", explique d'abord ce dernier, avant d'évoquer, lui aussi, un "imbroglio administratif".
"Connaissant le maire de Champlan, ce n'est rien d'autre qu'une erreur administrative", a-t-il affirmé lundi, disant avoir eu M. Leclerc au téléphone.
Les parents de la petite fille, âgés d'environ 35 ans, vivent depuis au moins huit ans en France. Ils ont deux garçons de 5 et 9 ans, scolarisés à Champlan. La mère a déjà perdu deux garçons en bas âge en Roumanie, selon l'ASEFRR.
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