Devenu en deux jours un symbole des discriminations jusque dans la mort, le bébé rom décédé dans l'Essonne au lendemain de Noël est inhumé lundi dans une commune voisine de Champlan, la bourgade accusée d'avoir refusé de l'accueillir dans son cimetière, ce que conteste son maire.
"A aucun moment je ne me suis opposé à cette inhumation", a affirmé dimanche à l'AFP le maire divers droite de Champlan, Christian Leclerc, après vingt-quatre heures de silence, tant de sa part que de son équipe municipale, et donc de polémique.
En guise d'explication, il évoque "une erreur de compréhension dans la chaîne de décision". Il se dit aussi "laminé" par "l'ampleur" prise par l'affaire.
Actuellement à Nice, il n'a pas prévu d'assister aux obsèques. Mais il a envoyé un message de condoléances et d'excuses à la famille, via un communiqué dans la soirée, dans lequel il dit même souhaiter que l'inhumation de la petite fille "puisse avoir lieu dans la commune de Champlan".
Trop tard: l'indignation a enflé tout le week-end, de la part d'élus et d'associations, même après ses premières dénégations. Certains ont avoué leur "honte", d'autres ont parlé de "racisme".
Sur twitter, le Premier ministre Manuel Valls a évoqué "une injure" à la "mémoire" du bébé décédé.
Le Défenseur des droits Jacques Toubon, "bouleversé", a annoncé dans la foulée qu'il se saisissait "d'office". Il doit lancer dès lundi "des investigations" sur cette affaire.
Au départ, une association accuse Christian Leclerc: l'association de solidarité en Essonne avec les familles roumaines et roms (ASEFRR).
Selon plusieurs de ses membres, le bébé, prénommé Maria Francesca, deux mois et demi, est décédé de la mort subite du nourrisson dans la nuit du 25 au 26 décembre, dans le bidonville de Champlan où la famille est installée depuis plus d'un an.
Cette dernière, via une entreprise de pompes funèbres, demande, comme l'exige la loi, l'autorisation à la mairie d'enterrer la petite fille au cimetière municipal. Elle essuie un refus le 31 décembre, sans "aucune explication", selon Julien Guenzi, le gérant des pompes funèbres Lescarcelle à Corbeil-Essonnes, où le bébé a officiellement été déclaré mort.
- Propos 'sortis du contexte' -
"Des réponses comme ça, c'est très rare: deux ou trois par an, mais en général justifiées", précise le professionnel, qui dit avoir parlé au téléphone avec un employé de la mairie.
Le maire, alors en congés selon lui, fait parallèlement valoir ce jour-là au Parisien le "peu de places disponibles" et ajoute que la "priorité est donnée à ceux qui paient leurs impôts locaux". Des propos qu'il ne nie pas mais qu'il a estimé dimanche "sortis du contexte".
Le président de l'ASEFRR y voit du "racisme, de la xénophobie et de la stigmatisation".
Interpellé par une élue, le maire UMP de Wissous, Richard Trinquier, accepte que le nourrisson soit enterré sur le territoire de sa commune, situé à 7 km de Champlan. Par "souci d'humanité", précise celui qui avait lui-même déclenché une polémique en refusant pendant l'été l'accès de "Wissous Plage", une opération municipale, aux femmes voilées, au nom de la laïcité.
L'inhumation de la petite fille est prévue lundi vers midi, une heure après une cérémonie religieuse à l'église Saint-Paul de Massy, qui doit débuter à 11H00.
Ses parents ont passé leur dimanche entourés de leurs proches dans leur habitation, une construction d'une seule pièce, faite de bric et de broc.
La mère "dit que c'est son c?ur qui a été arraché", a rapporté à l'AFP une interprète, Csilla Ducrocq, membre de l'ASEFRR. "Mais elle ne dit rien sur le maire. Juste qu'elle ne comprend pas."
Selon l'association, les parents du bébé, âgés d'environ 35 ans, vivent depuis au moins huit ans en France. Ils ont deux garçons de 5 et 9 ans, scolarisés à Champlan. La mère a déjà perdu deux garçons en bas âge en Roumanie.
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