Le refus par l'économiste à succès Thomas Piketty de recevoir la Légion d'honneur a suscité vendredi de vives répliques de l'exécutif envers l'intéressé, qui a assuré avoir agi sans arrière-pensée politique, tout en accentuant ses critiques à l'égard du gouvernement.
La secrétaire d'Etat chargée du Numérique, Axelle Lemaire, a déploré "la manière" dont l'économiste français a refusé la veille sa nomination au rang de chevalier pour la Légion d'honneur, la plus haute distinction française.
Celui-ci avait déclaré à l'AFP juste après sa nomination au Journal officiel: "je refuse cette nomination car je ne pense pas que ce soit le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable", ajoutant qu'il ferait "bien de se consacrer à la relance de la croissance en France et en Europe".
Par ce rejet assorti d'une pique au gouvernement, M. Piketty donne "le sentiment qu'il est un peu fâché", car "on peut le dire sans passer par une dépêche AFP un 1er janvier. C'est une question de manière", a estimé Mme Lemaire sur France Inter.
D'autant que la Légion d'honneur est "un mérite reconnu par la Nation, pas pour une adhésion à la politique économique d'un gouvernement", a-t-elle souligné.
L'intéressé a expliqué sur le site internet du Monde qu'il trouvait que "cette histoire de Légion d'honneur était complètement dépassée" et qu'il aurait apprécié être contacté au préalable par les responsables de l'exécutif "alors qu'ils peuvent légitimement se douter que je n?ai pas particulièrement envie d?être décoré par eux".
"Cette façon de décider qui est le petit groupe de citoyens honorables, dont les mérites éclatants doivent être reconnus, c'est une conception du rôle de l'Etat, du gouvernement, qui me semble totalement surannée", a-t-il déclaré.
- L'action 'catastrophique' du gouvernement -
L'auteur du "Capital au XXIème siècle" enfonce le clou : "l'action (du gouvernement) ces deux dernières années a été catastrophique et je n'ai pas besoin d'une Légion d'honneur pour le dire ou pour l'écrire".
M. Piketty, qui avait appelé à voter pour François Hollande et regrette en particulier que de grands projets de réforme fiscale largement inspirés de ses thèses aient été enterrés, a toutefois assuré qu'il "aurait fait exactement la même chose" avec tout autre gouvernement.
Son ouvrage à l'énorme retentissement international vise à démontrer que, sans intervention politique via la fiscalité, la croissance creuse plutôt qu'elle ne lisse les inégalités de richesse.
Au micro de France Inter, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a pour sa part tenu à faire la distinction entre quelqu'un "qui a des idées intéressantes mais qui est chercheur, qui est dans son bureau, qui fait des calculs, qui a comme responsabilité une démarche intellectuelle et puis la politique, qui est confrontée à la réalité".
Le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat et à la simplification, Thierry Mandon, a estimé que la décision de Thomas Piketty n'était pas motivée par "l'humilité" mais plutôt "par raison politique", tout en jugeant que la réforme fiscale souhaitée par l'économiste provoquerait, si elle était appliquée, une "protestation généralisée".
L'élu de l'Essonne a défendu sur BFMTV et RMC que c'était "bien le rôle du gouvernement et de la République de décider" et que ceci ne prenait "pas énormément de temps" et n'empêchait pas non plus de s'occuper du chômage.
A l'instar de M. Le Foll, il a rappelé que le prix Nobel d'économie Jean Tirole avait, lui, accepté la récompense.
Même s'il a refusé la Légion d'honneur, M. Piketty restera nommé dans l'Ordre de la Légion d'Honneur à moins qu'il ne décide, comme l'avait fait Maurice Ravel en 1920, de faire annuler le décret présidentiel de sa nomination.
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