Lycéens et sans-abri, Omar et Abdoulaye souhaitent surtout que 2015 leur apporte un logement stable, pour mener à bien une scolarité compliquée par l'absence de toute famille en France.
"J'avais deux-trois vêtements quand je suis arrivé de Guinée il y a deux ans, des gens m'ont donné tout ça", raconte Abdoulaye en montrant un sac à dos à la poignée rafistolée qu'il transporte partout avec lui.
Le jeune Peul de 17 ans, qui a quitté son pays pour fuir un père violent, s'en remet aux structures d'urgence pour dormir. "Il faut appeler le 115 dès qu'on se réveille pour être sûr d'avoir une place le soir", explique-t-il d'une voix hésitante.
Ses livres de classe sont restés pour les vacances au lycée Hector-Guimard, dans le XIXe arrondissement de Paris, où il est scolarisé en section "technicien du bâtiment".
"Je veux faire de l'économie, ou de la comptabilité", explique-t-il, son bonnet enfoncé sur les yeux. "J'ai eu les félicitations au premier trimestre, je veux rester ici".
La précarité de son hébergement ne facilite pas les choses. "Il y a tellement de bruit dans les foyers qu'on peut à peine dormir, et c'est encore plus difficile pour les devoirs. J'en fais le maximum au lycée, et quand il ferme je prends mes cahiers pour aller à l'abribus".
Huit élèves du lycée Guimard sont dans un cas similaire. Pour mettre un terme à cette situation "inacceptable", des enseignants du lycée menacent de reloger d'autorité les élèves dans le gymnase de l'établissement à partir de lundi.
Selon le Réseau éducation sans frontières (RESF), une cinquantaine de mineurs seraient à Paris dans cette situation de "lycéens sans abri". "C'était tout à fait exceptionnel avant, mais ils sont de moins en moins pris en charge", soupire Sabine Wieser, de RESF.
- 4 à 9.000 mineurs isolés étrangers -
En France, les "mineurs isolés étrangers" (MIE) relèvent pourtant du droit commun de la protection de l'enfance. Un mineur sans-abri est considéré comme en danger et doit "théoriquement bénéficier d'une protection", note Sophie Laurant, coordinatrice de l'association InfoMIE.
S'il n'existe pas de statistiques officielles, on estime entre 4.000 et 9.000 le nombre de MIE en France. L'une des difficultés -- et l'un des points les plus contestés par les associations -- est d'évaluer leur âge réel, comme dans le cas d'Omar et d'Abdoulaye. Un mineur n'est pas expulsable. Ces jeunes arrivent parfois de pays où ils ne sont pas enregistrés à l'état-civil, ou avec de faux papiers.
Pour les adolescents privés de logement, le lycée prend une importance cruciale. "Dehors on réfléchit à l'hiver, comment on va manger, où on va dormir on grandit très vite. Au lycée on ne pense pas à tout ça", explique Omar.
Arrivé en avril de Bamako où sa famille a tout perdu après la mort de son père, il dort dans un foyer de Maliens, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Comme il n'a pas les moyens de payer une chambre, il passe la nuit dans la cuisine. Comme il n'a pas d'espace à lui, il fait ses devoirs "quand les autres sont couchés".
"La classe sait que je ne dors pas la nuit. Pour être au lycée à huit heures, je me lève à six. J'ai peur qu'on me pose des questions auxquelles je ne sais pas répondre. C'est la honte", explique-t-il.
Il dit qu'il a peur de la police, parle de Dieu qui a "peut-être voulu" ce qui lui arrive.
Le garçon de 17 ans se raccroche aux noms des associatifs croisés depuis son arrivée comme à des repères -- madame Amélie, madame Danielle --, et aux dates qu'il égrène avec précision -- la mort de son père, le rendez-vous avec le juge, sa naissance bien sûr, et surtout sa date d'arrivée en France, le 20 avril 2014. "Ce jour là, dit-il, j'ai commencé à connaître la difficulté de la vie".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.